Cet article est extrait du n°7 de la revue Y, téléchargeable ici.

En terme journalistique, on appelle cela un marronnier : un truc qui retombe tous les ans à la même période. Et qui par la même occasion, occupe les journalistes en mal d’idées et dont je fais partie. Surtout sous la pluie de septembre après une bonne semaine d’été, peut-être un peu plus (à Paris, NDLR). Nous voilà donc arrivés à la rentrée littéraire. Une énième rentrée littéraire qui tombe comme toujours environ 5 semaines après le chassé-croisé des juilletistes, marrons tirés du feu avec des aoutiens cul-blanc, et 11 semaines avant le beaujolais nouveau, marronnier lui aussi mais non sans raison à base de raisin.

Photographie : ActuaLitté.

Photographie : ActuaLitté.

Cette année, les 555 romans présentés à la rentrée littéraire feront l’objet d’analyses, d’avis, et surtout de récompenses et de prix en tout genre, marronniers Goncourt ou Femina, qui feront chocolat les plumes peu convaincantes.
Comme ce n’est ni à Guillaume Musso, ni à Marc Levy qu’on pourra tirer les vers du livre, quels auteurs sont de vraies révélations cette rentrée ?

Tout d’abord, Faillir être flingué de Céline Minard. Un genre de western dégainé par une fille totalement folle et allumée, dans un monde et un univers résolument poétiques. La conquête de l’Ouest y est revisitée de façon féminine, et déjantée et humaine.
Faillir-etre-flingue-Minard_w525Au-delà des frontières de l’imaginaire et du réel, le roman se déroule autour d’une ville naissante avec des personnages aussi loufoques que burlesques : Eau-qui-court-sur-la-plaine, une indienne dont le clan a été décimé, Jeff et Brad McPherson dont la mère mourante gît dans un chariot tiré par deux bœufs ou encore Xiao Niu qui comprend le chant du coyote et Arcadia Craig, une contrebassiste.
Pour son huitième roman, Céline Minard invite à un voyage inoubliable, presque culte…

canada-hc-cEnsuite vient Canada, de Richard Ford, paru aux Éditions de l’Olivier. Olivier Poivre d’Arvor le décrit comme le plus beau roman de la rentrée littéraire. Et en effet, ce « road book » dont la lenteur permet d’apprécier le temps qui passe, ligne après ligne, et chaque ligne est un vrai ovni dans cette rentrée littéraire.
L’histoire, pour faire bref, est celle des époux Parsons, Bev et Neeva, qui un beau jour au début des années 1960, décident de braquer l’Agricultural National Bank de Creekmore dans le Dakota du Nord, laissant leur enfants dormir chez eux.

Mais ne croyez pas tomber sur un roman d’aventure genre Bonnie Parker et Clyde Barrow filant à travers les States.
L’histoire se déroule lentement, 50 ans plus tard, sous le regard de leur fils Dell, et aujourd’hui désormais âgé de 63 ans, qui fut livré à lui-même avec sa sœur jumelle lorsque leurs parents furent emprisonnés.
Entre action et introspection, Richard Ford propose ici un roman magnifique, aux sentiments d’une rare intensité.

laura-kasischkeEnfin, terminons avec Esprit d’hiver, le « thriller mental asphyxiant » dixit Les Inrocks, le roman de Laura Kasischke, dans lequel une mère et sa fille adoptive se jouent s’affrontent dans un duel psychologique le jour de Noël.
Les démons qui vous rongent l’inconscient sont là, et bien là, comme ancrés dans chaque page de ce livre. Le huis clos vénéneux le jour de Noël est fait de claustrophobie et de mal-être.
Un décor unique et un temps limité, la journée semble interminable entre avec Holly, la mère, écrivaine, et Tatiana, la fille de 15 ans, adolescente perturbée, agressive et provocatrice. Puis Le lecteur est là aussi, entre les deux, témoin et invisible. Il n’a pas la position la plus évidente entre les deux protagonistes, c’est probablement ce qui laisse cette trace dans son âme une fois que la dernière page est achevée.

Les dizaines de livres de la rentrée littéraire ne sont pas tous bons. Mais ils ont au moins le mérite d’exister : désormais, il ne reste plus qu’à choisir…

Read List :
Richard Ford – Canada
Céline Minard – Faillir être flingué
Laura Kasischke – Esprit d’hiver
Thomas Clerc – Intérieur
Jean Rolin – Ormuz
Jean-Philippe Toussaint – Nue

Written by Mathieu des Esseintes