Cet article est extrait du n°7 de la revue Y, téléchargeable ici.

Photographie : Amélie Rousseau.

Photographie : Amélie Rousseau.

Architecture, n.f. : art de construire les bâtiments.
Symbole, n.m. : signe figuratif, être animé ou chose qui représente un concept, qui en est l’image, l’attribut, l’emblème.

L’architecture, si elle a initialement pour but pratique d’abriter des personnes ou des activités, a pris – il y a fort longtemps, peut-être même avant la génération A – un tournant artistique pour aller au-delà de quatre murs et un toit. Face à la concurrence et grâce à des prouesses techniques de plus en plus poussées, les architectes ont dû et pu trouver de plus en plus d’idées pour concevoir des bâtiments extraordinaires. Parfois même, le bâtiment n’est plus un objet en tant que tel mais renvoie directement à un signe évocateur, ou bien a été bâti en mémoire d’un événement, d’un homme, d’une nation…

L’architecture symbolique
L’architecture symbolique est une architecture qui renvoie à une idée, à un lieu commun accepté de tous. Elle peut exprimer des choses en tant que telles : elle peut être représentative et évoquer soit le contenu du bâtiment, soit un élément connu et lisible par chacun. L’idée est alors de faire rêver le spectateur, de lui faire développer son imaginaire et de jouer avec lui.
En France, les tours de la Bibliothèque Nationale de France, réalisées par Dominique Perrault, reflètent parfaitement cette idée : quoi de mieux pour illustrer une bibliothèque que de matérialiser quatre grands livres ouverts (des tours en forme de L) se regardant les uns les autres ? Pour autant, si le livre ouvert est tout à fait lisible par le grand public, il l’est beaucoup moins du point de vue de la fonction du bâtiment. En effet, conserver des ouvrages et des archives dans un bâtiment en verre est une aberration et pose de nombreux problèmes techniques. La fonction ici est secondaire par rapport au rôle communiquant de l’art.
Autre symbole, la gare du sud à Shanghai. Plateforme multimodale accueillant un million de passagers par jour, elle apparaît comme une soucoupe volante posée aux côtés des routes aériennes. De forme toute ronde car « Le rond est le symbole de l’échange et l’optimum du fonctionnement » selon Jean-Marie Duthilleul, chef de l’agence AREP. Pour les Chinois, le cercle est aussi le symbole du ciel : le bâtiment trouve ainsi toute sa poésie. Autre version : il évoque la roue du vélo tant utilisé en Chine. Le but de cette architecture symbolique est de faire parler l’imagination de chacun et d’évoquer des fantasmes grâce à des procédés techniques toujours plus poussés. Ce symbolisme peut atteindre un certain hermétisme, clair pour l’auteur, illisible pour monsieur Tout-le-monde. Mais elle peut aussi servir à symboliser un événement : elle occupe alors une fonction mémorielle.

Photographie : SPDP.

Photographie : SPDP.

L’architecture comme symbole
L’architecture peut rendre hommage à l’Histoire, à des hommes ou à des courants de pensée. Elle n’est alors plus évocatrice par sa forme mais par l’idée qu’elle représente, le lieu où elle est située. Parfois même, elle est ce que nous pouvons considérer comme patrimoine.

À Berlin, les symboles architecturaux ne manquent pas : pans du mur maintenus, devenus musée en plein air (East Side Gallery) ou tronçonnés, représentent des éléments de l’histoire de la capitale allemande qui permettent de comprendre son aménagement tout en ayant une fonction mémorielle. Le musée juif, créé par Daniel Libeskind a également cette fonction : il représente une étoile de David qui aurait été déchiquetée. À l’intérieur, le visiteur ressent l’oppression et l’horreur de la Shoah par des procédés tels que des couloirs qui se rétrécissent ou des plans inclinés.

Le même architecte est également l’auteur originel de la tour One World Trade Center (1WTC) – qui remplace les fameuses tours jumelles détruites le 11 septembre 2001 – un projet repris par l’agence Skidmore, Owings and Merrill. Plus haute tour de Manhattan, elle symbolise la force des New-Yorkais après ce drame en s’appuyant sur les fondations des anciennes tours jumelles. En sous-sol, une partie de la fosse est maintenue avec un musée consacré au 11 septembre. Autre dimension symbolique : tous les 11 septembre au matin, le soleil éclaire deux vastes espaces publics sans aucune ombre entre 8h46, heure où le premier avion a percuté la première tour, et 10h28, heure à laquelle s’est effondrée la deuxième.

Art, architecture, mémoire et imaginaire collectif vont alors de pair. Le bâtiment est pris comme un emblème, qu’il soit la simple évocation d’un objet ou qu’il aille plus loin encore et renvoie à l’Histoire.

Amélie Rousseau.

Written by larevuey