Cet article est extrait du n°8 de la revue Y, téléchargeable ici.

Le street-art fait parler de lui dans les médias, mais lorsque le journal de 13h mène l’enquête pour savoir qui est vraiment Banksy ou que France Info regrette la destruction annoncée de la Tour Paris 13, on se dit que vraiment, ils n’ont rien compris à la nature de l’art de rue…

Mario sort de sa console. Photographie : (c) Alain Rouiller.

Mario sort de sa console. Photographie : (c) Alain Rouiller.

De l’art sauvage à l’institutionnalisation

Gribouillis, graffs, vandalisme, graffiti, art de rue… Un certain nombre de termes ont précédé celui qui donne ses lettres de noblesse à tous ces dessins sur les murs : le street-art. Là où le graffiti a un caractère péjoratif, est considéré comme une sorte de version bas de gamme, le street-art est l’art reconnu. En France, on fait parfois référence au street-art comme au mouvement post-graffiti. Une distance se crée : on se distingue du vandalisme. Ce n’est pas de la dégradation d’espace public si on vous dit que c’est de l’art, par contre si ce n’en est pas… Cachez donc ce graffiti que je ne saurais voir !

Banksy interroge une caméra londonienne. Photographie : © Andrew Dunn, April 2006.

Banksy interroge une caméra londonienne. Photographie : © Andrew Dunn, April 2006.

Tous les graffitis n’ont pas la même valeur artistique ou politique, mais tous répondent à ce principe premier : s’approprier les rues parce qu’elles appartiennent à tous. Récemment, ce principe est presque devenu une revendication face à la propagation des messages publicitaires dans les espaces urbains. Le questionnement de beaucoup d’œuvres tourne régulièrement autour de l’exploitation de l’espace.

Le coup de force du street-art, c’est d’être en réinvention constante de lui-même. Art par nature éphémère, il y aura toujours quelqu’un, artiste ou pouvoir public, pour repeindre par-dessus. Il a ainsi l’avantage d’être un art nécessairement moderne.

Par ailleurs, il y a dans le street-art une forme d’entre-soi où la reconnaissance des pairs vaut parfois plus que celle des passants. Sur le New York Graffiti Hall of Fame, on peut lire: « strictly kings or better » car seuls les véritables artistes peuvent l’investir… Il s’agit de se faire un nom tout en préservant son anonymat (pour ne pas se faire arrêter). Et ces noms d’artistes permettent ensuite de passer à la postérité et de participer à la reconnaissance du street-art à grande échelle.

Toute la question de ce que vaut une œuvre hors des musées se cristallise autour de cet art. L’artiste Nasty travaille à présent presque uniquement sur des supports qui peuvent être exposés en intérieur. En un sens, son talent a été reconnu quand il est entré dans une galerie. En effet, en quittant le support de l’espace public, son œuvre devient pérenne et appartient alors au post-graffiti.

Le rôle d’Internet

Et si le street-art est en constant renouvellement, c’est aussi parce qu’il est la manifestation d’une sous-culture jeune. Alors le street-art à l’heure Y, ça donne quoi ?

L’interconnexion toujours plus large de notre société lui permet de s’afficher sur la Toile. Il est ainsi facile de trouver les sites internet des artistes qui recensent eux-mêmes leurs œuvres (prenez Banksy, JR, ou AweR), et nombre de sites non-officiels peuvent vous aidez à explorer un peu plus cette tendance artistique.

Ensuite, les nouvelles technologies sont également au service du street-art puisqu’elles permettent la création de stickers ou de pochoirs sur ordinateur.

Pour en revenir au contenu et aux images du street-art, Internet, les jeux vidéo, et encore le cinéma sont passés par là. La pop-culture trouve dans ces images un nouveau reflet. Dans la critique ou l’approbation, le street-art est toujours un réceptacle du mainstream. Il le sort de son lieu d’origine et confronte Mona Lisa, Mickey et Mario aux centres urbains. Les Space Invaders passent le test avec succès au point de se fondre dans le décor. Chercher ces petits monstres est un peu un sport dès qu’on joue au touriste éclairé. On se demande comment il a réussi à arriver là. L’artiste fait sortir les pixels de nos ordinateurs : les prendre en photo et les regarder par le prisme de l’écran est une belle mise en abîme.

Finalement, c’est la question de l’œuf ou la poule : qui du street-art ou de l’encart de publicité répond à l’autre actuellement ? Les graffitis restent en dehors des codes communs parce qu’avant tout ils défient les normes en investissant un lieu qu’on lui interdit et ils continueront de le faire. Dès que le street-art s’institutionnalise, il se révolutionne car il y aura toujours quelqu’un pour repeindre dans la rue. Et ainsi, la boucle est bouclée.

Sources :

BOU Louis. Street-art : Graffitis, pochoirs, autocollants, logos.  Maomao publications, 2011.

CHENUS Nicolas et LONGHI Samantha. Paris – De la rue à la galerie. Pyramyd, 2011.

Et l’article sur l’ironie de la génération Y (je n’invente rien) :

http://www.theguardian.com/commentisfree/2010/mar/11/generation-x-sarcasm-seriously

Pour aller plus loin :

http://awerart.tumblr.com/

http://www.jr-art.net/fr et https://www.artsy.net/artist/jr, la toute nouvelle page consacrée à l’artiste JR par Artsy, site-ressource consacré à l’art et aux artistes. Vous y trouverez sa biographie, mais aussi, en accès libre, une cinquantaine de ses oeuvres ainsi qu’une mise à jour régulière de ses expositions. Et pour en savoir plus sur sa façon de travailler, découvrez son studio là : https://www.artsy.net/inthestudioJR !

Written by Eléonore Duluc

Rédactrice "Arts vysuels", passe autant de temps dans les musées que sur internet, pense que la culture compense l'absence de sommeil.