Cet article est extrait du n°8 de la revue Y, téléchargeable ici.

Captures : © Shanewarne 60 000.

Capture : © Shanewarne 60 000.

Le 1er octobre de cette année s’éteignait le maître du « techno-thriller » Thomas Leo Clancy Junior, de son petit nom Tom Clancy. Auteur de plus d’une quinzaine de romans bourrés de méchants terroristes, de guerres froides (et moins froides) et de méthodes d’infiltration ultra sophistiquées, le papa du genre a donc tiré sa révérence. Mais si ses romans ont passionné des millions de fans, c’est surtout grâce aux nombreux jeux vidéo empruntant ses scénarios que « l’univers Clancy » s’est immiscé dans l’esprit du grand public. Au menu, le test rétro du chef d’œuvre de l’infiltration du début des années 2000 : Tom Clancy’s Splinter Cell !

L’histoire

Développé et édité par Ubisoft, Splinter Cell est un jeu de tir à la troisième personne sorti le 28 novembre 2002 sur Xbox, et début 2003 sur PC et Playstation 2. Vous incarnez Sam Fisher, un agent surentrainé qui aura pour mission d’agir furtivement, pour le compte d’une branche secrète de la NSA, un peu partout dans le monde (surtout pas pour espionner les télécommunications des honnêtes gens, rassurez-vous !).

« Furtivement » serait d’ailleurs le terme le plus approprié pour décrire Splinter Cell… En effet, pas la peine d’essayer d’attaquer le jeu en mode bourrin, au risque de prendre de sévères raclées dès la première mission ! Et c’est justement la grande qualité du jeu. Contrairement aux précédents titres développés par Ubisoft, qui misaient davantage sur du FPS de pure action, Splinter Cell vous offre pour la première fois la possibilité de mener des missions de sabotage ou d’enlèvements à haut risque sans tirer la moindre balle (ou presque) !

Impossible, me direz-vous ? Pas du tout. Après un bref entraînement durant lequel votre fidèle acolyte Lambert – caché dans votre oreillette – vous apprend les rudiments du jeu, vous vous retrouvez très vite dans la gueule du loup (et c’est le cas de le dire) : un bâtiment en proie aux flammes, un agent à retrouver et une boîte noire à récupérer dans un commissariat de police peuplé d’individus pas très nets. Pour y parvenir, un arsenal de gadgets ultra sophistiqués et un panel absolument monstrueux de mouvements : sauter, ramper, se cacher, faire des grands écarts à trois mètres du sol ou des petites roulades habiles dans des systèmes d’aération… Le tout rendu possible grâce à une fluidité de gameplay absolument déconcertante. On comprend donc, dès les premières phases de jeu, qu’on a entre les mains un mastodonte, une future légende du jeu vidéo.

Après vous être sorti du pétrin de la première mission, la NSA vous enverra dans des environnements d’une variété incroyable, d’une raffinerie de pétrole sur fond de coucher de soleil à l’ambassade de Chine, en passant par des abattoirs bien glauques ou encore un palais présidentiel surprotégé, avec une trame permanente liée au combat du terrorisme, fidèle à Tom Clancy.

Capture : © Shanewarne 60 000.

Capture : © Shanewarne 60 000.

Et la variété de ces environnements n’est pas là juste pour flatter l’œil. Les différentes luminosités et structures de bâtiments ont notamment pour objectif d’obliger le joueur à exploiter au maximum les possibilités de Sam. Pour éviter de se faire repérer par exemple, il pourra tirer sur les néons pour plonger des pièces entières dans l’obscurité la plus totale, créant une mini-panique parmi les soldats ennemis. Il devra alors utiliser ses lunettes de vision nocturne et remplir sa mission. Mais le joueur peut également choisir d’escalader les innombrables gouttières, murs et grilles pour prendre un peu de hauteur et progresser au-dessus des ennemis, ou encore, par défi personnel, de saisir un soldat en otage et de faire le maximum de chemin en dézinguant du terroriste… Entre nous, cette dernière solution n’est ni la plus habile ni la plus cohérente avec l’esprit du jeu, mais c’est parfois tellement tentant…

Toutes ces possibilités serviront énormément à Sam au cours du jeu, tant le scénario le pousse dans ses retranchements. Car par souci de réalisme, ou bien tout simplement pour occuper le joueur, Ubisoft a veillé à faire régulièrement intervenir des éléments perturbateurs ou diverses catastrophes inattendues ayant pour but de casser la linéarité des missions et d’amener le joueur vers de nouvelles possibilités. On peut en effet rapidement se lasser de crocheter des serrures et d’escalader des poutrelles pendant des heures…

Pour l’époque, Splinter Cell marque les esprits, et on le comprend. Comparé aux autres titres débarqués en 2002 et même en 2003, la qualité du jeu est indiscutable et met à l’amende un bon nombre de superproductions sorties au même moment. En plus d’offrir une expérience de jeu innovante basée sur l’infiltration, Splinter Cell met le paquet sur les solutions proposées au joueur pour achever les missions, tant au niveau des mouvements que des outils du personnage, pour lui permettre de saboter, d’éliminer ou de kidnapper des « méchants » en toute tranquillité.

À sa sortie, le jeu a également plu grâce à la révolution apportée par la variété des interactions entre Sam et les autres personnages rencontrés au cours du jeu. En plus d’assommer ou d’éliminer les ennemis, Sam peut s’en saisir pour les forcer à dévoiler des informations, les faire passer au scanner rétinien afin d’ouvrir des portes, ou bien s’en servir comme boucliers humains pour se sortir de la panade.

En se repenchant sur ce petit bijou d’antan, on admet sans hésiter que l’apport de Splinter Cell dans le secteur des jeux d’infiltration est indéniable. En y rejouant dix ans plus tard sur PC, le plaisir dégagé par ce pionnier du 9 mm à silencieux est absolument intact, et les graphismes arrivent encore à nous plonger dans l’ambiance, (presque) sans prendre une ride : incroyable ! Sans doute le signe que l’on se trouve devant une figure immense du jeu vidéo contemporain.

Quelques années plus tard, la série s’est poursuivie non sans talent, avec Pandora Tomorrow, Chaos Theory, Double Agent, Conviction et le petit dernier, Blacklist, sorti en août 2013. Ubisoft s’est attaché à garder le contrôle du genre le plus longtemps possible, malgré une évidente concurrence de deux autres géants, l’incontournable Metal Gear Solid, et le plus belliqueux Hitman. Pour se décider parmi ces merveilles, mieux vaut toujours tester… Alors, on joue ?

Benoît Gisbert-Mora.

L’infiltration pour les nuls, ou comment découvrir le genre en 3 titres, 2 livres, et quelques définitions fort pratiques :

Petit lexique :

Jeu de tir à la troisième personne : Jeu dans lequel on peut voir en entier le personnage que l’on incarne, à l’inverse du FPS.

FPS : First Person Shooter, ou jeu de tir à la première personne. Ce genre de jeu où l’on ne voit que le canon du personnage que l’on incarne.

NSA : La National Security Agency (ou Agence nationale de la sécurité) est un organisme affilié au ministère de la Défense des États-Unis d’Amérique, responsable du renseignement, de la sécurité des systèmes d’information et du traitement des données du pays.

Jeux vidéo :

Tom Clancy’s Splinter Cell (PC, Xbox, PS2), 2002.

Metal Gear Solid 4 : Guns of The Patriots (PS3), 2008.

Hitman Absolution (PC, Xbox 360, PS3), 2012.

Romans :

Tom Clancy, Octobre rouge, Albin Michel, 1986.

Tom Clancy, Sur ordre, Albin Michel, 1997.

Written by Benoit Gisbert-Mora