Cet article est extrait du n°9 de la revue Y, téléchargeable ici.

La nouvelle qui a agité l’espace médiatique britannique et international ces derniers mois est l’annonce de la reformation du célèbre groupe d’humoristes Monty Python pour « de la comédie, du pathos, de la musique et un peu de sexe antique » [1] dès juillet prochain à Londres. Près de trente ans après leur séparation, les membres survivants vont monter sur scène pour rejouer leurs anciens sketchs et en présenter de nouveaux. Les places pour le premier spectacle se sont vendues en moins de 45 secondes, les prix allant de £ 27 à plus de £ 2000 sur le marché noir. Une preuve du succès que le groupe mythique connaît encore, et de son importance dans la comédie britannique.

(c) DR.

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Terry Gilliam est le seul membre à ne pas être d’origine britannique. Avec les Monty Python, il ne joue que rarement dans les sketchs, mais a créé les animations [2] devenues typiques de leur travail et de leur humour. Il travaille principalement avec des photographies de l’époque victorienne et des dessins et formes absurdes et étranges. Le fameux pied de Cupidon, emprunté à une peinture de la Renaissance est notamment caractéristique du style de Gilliam.

Graham Chapman est décédé d’un cancer en 1989. Il était réputé pour son mauvais caractère et son alcoolisme, mais était un défenseur des droits des homosexuels. Il a joué plusieurs rôles importants, notamment les personnages principaux de Holy Grail et Life of Brian [3].

Le caractère souple et conciliant de Michael Palin lui a valu le surnom de « Britain’s nicest man ». Il a joué dans des films comme A Fish Called Wanda, mais son parcours post-Python est surtout marqué par ses documentaires aux Pôles, dans le Sahara ou l’Himalaya.

Eric Idle a influencé le groupe avec son obsession pour les jeux de langage et le comique de communication. Il est le musicien du groupe et a composé des chansons comme Always Look on the Bright Side of Life [4], à la fin de Life of Brian. Après la séparation des Monty Python il a continué dans la musique en créant Spamalot, une comédie musicale basée sur le film Monty Python and the Holy Grail.

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Terry Jones a réalisé les films Holy Grail, Life of Brian et The Meaning of Life. Après Monty Python, Jones a développé une carrière diversifiée, en s’engageant dans des projets musicaux, de réalisation, d’animation ou d’écriture.

John Cleese a consacré sa carrière post-Python au jeu d’acteur. On le retrouve notamment dans deux James Bond, Shrek, Harry Potter à l’école des sorciers et Harry Potter et la chambre des secrets où il tient le rôle du fantôme Nick Quasi-Sans-Tête. Il a obtenu un British Academy Award pour sa performance dans A Fish Called Wanda.

Leur histoire commence dans les années 60, quand, encore étudiants à Oxford ou Cambridge, les futurs Pythons se rencontrent et réalisent ensemble plusieurs projets. L’émission qui a réuni tous les membres britanniques pour la première fois est The Frost Report [5], qui a été diffusée de 1966 à 1967 sur la BBC. Cleese était acteur et scénariste, Idle écrivait les monologues et Chapman, Palin et Jones étaient scénaristes. C’est là qu’ils ont commencé à développer leur style si particulier et à moduler leur humour. Les membres ont souvent été interrogés sur leur façon de construire les scénarios et leur approche de l’écriture en groupe. Ils répondent que certaines associations sont plus évidentes : Cleese & Chapman travaillent mieux ensemble, comme Jones et Palin, mais Idle est un écrivain solitaire et Gilliam les retrouve pour le débriefing. Mais le processus est tout de même démocratique, si la majorité considère qu’une idée est comique, elle est incluse dans le sketch.

L’absurde et les jeux de mots font leur apparition dans le matériel comique de la troupe : dans ‘Do Not Walk On The Grass’, le sketch repose sur la différence entre le fait de marcher sur le gazon ou bien de sautiller, danser, aller à cloche pied… Après leur performance dans cette série, la BBC a offert à Chapman et Cleese de produire leur propre série. Ils ont invité le reste de la bande, avec qui ils avaient déjà travaillé, et le premier épisode de Monty Python’s Flying Circus a été diffusé le 5 octobre 1969. Quatre saisons ont été tournées et des produits dérivés ont même été vendus.

Leur premier film Monty Python and the Holy Grail (1975) a eu un succès immense. Ils y revisitent l’histoire du roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde, en bourrant l’intrigue d’absurde et de ridicule. Certains gags sont devenus mythiques, comme les Chevaliers du Ni, les paysans démocrates ou le château des Français [6].

Le film suivant a engendré des polémiques religieuses : Life of Brian (1979) s’inspire en effet de la vie de Jésus et la caricature profondément. On peut le considérer comme l’apogée de la polémique autour du groupe, qui a toujours attiré les critiques des puristes de la comédie. Terry Jones a même avoué qu’ils y réfléchiraient à deux fois avant de faire un tel film aujourd’hui [7]. Life of Brian est hilarant de bout en bout, mais la scène finale est particulièrement marquante. Brian est condamné à mort et les autres crucifiés entament une chanson pour lui remonter le moral ‘Always Look on the Bright Side of Life’ [8]. Comme toujours, ce sont l’absurde et l’incongruité qui règnent chez les Pythons.

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The Meaning of Life (1983) est leur dernier film. Bien qu’un peu moins connu du grand public, il a gagné le Grand prix du jury au festival de Cannes de 1983. The Meaning of Life présente plusieurs sketchs divisés en sept chapitres, tous proposant une réflexion absurde sur les étapes de la vie. Sa trame narrative se démarque de celles des deux autres films car elle n’est pas linéaire et unique et se rapproche plus du format de la série du Flying Circus.

L’influence du groupe sur l’humour anglais et international est indéniable. Plusieurs comiques britanniques avaient certes développé un certain humour absurde et burlesque avant eux [9], préparant le terrain pour le comique déjanté des six Pythons. Ils ont véritablement développé un genre particulier. L’impact du phénomène est tellement large qu’il est difficile à mesurer. Le mot ‘pythonesque’ a été ajouté au prestigieux Oxford English Dictionnary, des astéroïdes ont été nommés d’après les six membres et le nom du groupe a inspiré des paléontologistes pour dénommer un fossile de python. Le mot ‘spam’ vient même de leur ‘Spam sketch’ [10], où le mot spam envahit peu à peu le menu d’une cafétéria. On compare l’influence des Monty Python sur la comédie à celle des Beatles sur la musique populaire.

Lina Maret.


[1] John Cleese: « comedy, pathos, music and a tiny bit of ancient sex. »

[2] Concentré de quelques animations de Gilliam : http://www.youtube.com/watch?v=mA973KVWyr4

[3] Sacré Graal ! et La Vie de Brian en français

[5] Un sketch du Frost Report, présenté par feu David Frost, ‘Do Not Walk On The Grass’ http://www.youtube.com/watch?v=VPbuck2jqY0

[7]At the time, religion seemed to be on the back burner and it felt like kicking a dead donkey. It’s come back with a vengeance and we’d think twice about making it now.”

Written by LA REVUE Y