Cette interview est extraite du n°10 de la revue Y, téléchargeable ici.

Paige Bowman.

Paige Bowman.

Paige Bowman, 18 ans, canadienne domiciliée à Victoria en Colombie Britannique, vegan convaincue depuis 4 ans, a accepté de répondre à nos questions sur le régime alimentaire relatif à son engagement.

Emma – Bonjour Paige, la première question que j’aimerais te poser est liée à ton engagement dans le mode de vie végétalien ou vegan : comment le conçois-tu et pour toi, qu’est-ce que cela veut dire ? 

Paige – D’abord je crois que le veganisme et le végétalisme relèvent de la même idée ; je ne sais pas quel mot on utilise le plus en France. Ici au Canada, nous disons « vegan » : je suis quelqu’un qui ne consomme pas de viande ni d’autres produits venant d’animaux comme le lait, le beurre, les œufs ou le fromage. Je n’utilise pas de maquillage ni de shampooing qui ont été expérimentés sur les animaux, je ne porte pas de vêtements faits de cuir ou de fourrure non plus.

J’ai eu cette idée quand j’ai commencé à explorer ma relation avec les animaux et la perception que j’avais d’eux. Pour moi, être vegan aujourd’hui signifie croire que les animaux ne nous appartiennent pas et que ce sont des êtres vivants, comme nous, qui méritent le respect et un traitement égal et juste.

Comment et à quel moment as-tu décidé d’adopter ce mode de vie ?

Quand j’étais plus jeune, j’adorais les animaux. Mais en même temps, j’adorais manger de la viande et boire du lait. Je ne faisais pas le lien entre les deux – nous pouvons adorer les animaux en même temps que nous les mangeons, c’est la vie, et pour moi il n’y avait aucun problème avec cela.

C’était en 2010, quand j’étais en train de changer beaucoup d’aspects différents de ma vie. Je crois que beaucoup de gens suivent le même processus quand ils ont 15 ou 16 ans – c’est une période où nous évoluons en tant que personne et découvrons des aspects de nous-mêmes que nous ne connaissions pas.

Un jour, j’ai visité une ferme qui fabriquait du fromage sur une île près de chez moi. C’était un endroit magnifique et tranquille – la ferme se trouvait au milieu d’une vallée, entourée par une forêt et des collines. Les personnes qui s’occupaient de cette ferme utilisaient des techniques traditionnelles et éthiques, et ce n’était d’aucune manière une ferme industrielle. A un moment, ma sœur et moi avons découvert quelques agneaux dans un pré. Nous les avons approchés doucement, et à notre surprise, les agneaux n’étaient pas effrayés du tout et ont sauté dans nos bras et léché nos visages comme si nous étions leurs parents.

Quand je me suis assise dans l’herbe avec ce petit animal dans mes bras, j’ai pensé au fait que des agneaux comme celui-ci sont tués pour leur viande, même dans ce genre de ferme. Et je me suis demandé si je pourrais encore manger de l’agneau après m’être occupée de cet animal aussi doux, gentil et innocent. Puis, je me suis demandé si je pouvais même continuer à manger n’importe quel animal comme les vaches, les poules, les cochons… Chacun d’entre eux sont innocents et capables de sentir notre compassion si nous la leur démontrons. Mais alors, pourquoi continuer ?

Depuis ce moment, j’ai arrêté peu à peu ma consommation de produits d’origine animale. Et aujourd’hui, quatre ans plus tard, je continue d’être vegan et jamais je n’ai eu la tentation de retourner à mon ancien mode de vie.

Est-ce que cela a changé ta vie et comment?

Bien sûr, cela a changé ma vie, mais pas négativement. Au début, c’était un peu difficile d’apprendre comment manger et vivre comme un vegan. Il faut s’adapter au fait de ne pas boire de lait ni manger de fromage, mais cela est facile. En revanche, savoir quels produits contiennent des ingrédients dérivés des animaux, déguisés par des noms bizarres, est le vrai défi.

Par exemple, on peut acheter des produits à base de soja qui imitent le fromage, mais certains contiennent une protéine dérivée du lait, la caséine. Ces produits ne sont donc pas vegan. Ou alors, disons que nous voulons manger des Haribo : il n’est pas possible que des bonbons contiennent du lait ou de la viande, n’est-ce pas? Sauf qu’en fait, plusieurs bonbons contiennent de la gélatine, qui est dérivée des os d’animaux. Quand on décide de choisir ce mode de vie, il faut lire, apprendre et mémoriser des ingrédients que nous ne connaissions pas du tout. Il faut en savoir beaucoup sur ce que nous mangeons.

Maintenant, pour moi, c’est instinctif, mais pour les autres c’est peut-être un inconvénient. Aujourd’hui la majorité des gens consomment sans se demander comment leur nourriture a été fabriquée. Je pense que si nous en savions plus à propos du processus que les aliments suivent avant d’arriver sur le marché, nous formerions un peuple différent.

N’y-a-t-il pas des points négatifs dans ce changement de régime alimentaire ?

Etre vegan est une expérience amusante qui ouvre les yeux. Beaucoup de gens pensent qu’être vegan signifie que l’on est en mauvaise santé, mais en fait quand j’ai adopté ce régime j’ai ressenti des effets positifs : j’ai maigri de 20 kilos en quelques mois, j’ai vaincu l’anémie (un problème dont que je souffrais avant d’être vegan), et ces dernières années, j’ai l’impression d’être en meilleure forme qu’à n’importe quelle autre période de ma vie.

Il y a plus d’avantages que de points négatifs, mais bien sûr, il existe des inconvénients. Beaucoup de gens trouvent qu’être vegan est extrême ou prétentieux, et vont vite déclencher une dispute au moment où ils apprennent que tu suis un régime différent d’eux. Ce qui est important c’est d’être ouvert et attentif aux questions des autres et de ne pas être malicieux avec les gens qui ne sont pas d’accord avec la façon dont tu vis, mais plutôt de les informer et de rester patient. Il y a encore beaucoup trop de désinformation sur le fait d’être vegan, des stéréotypes et de la mauvaise science, en partie à cause des lobbies de producteurs de viande.

En effet, plus les gens s’intéressent au régime vegan et comprennent qu’il est complètement sain et accessible, plus ils sont informés sur l’industrie et ce qui arrive aux animaux dans les usines, moins ils vont acheter de viande et naturellement, moins les producteurs vont vendre leurs produits. En Amérique du Nord, l’industrie animale est énorme et beaucoup d’argent va dans les poches des gens qui les supportent. C’est très difficile pour le véganisme de se faire entendre à cause de cela. Toutefois, c’est un mode de vie plus reconnu aujourd’hui qu’il y a 10 ans.

Est-ce que tu as dû prendre des compléments alimentaires spéciaux en étant vegan? Est-ce que cela t’as posé des problèmes de santé ?

Quand j’ai commencé le régime vegan, je prenais des compléments en calcium, vitamine D et vitamine B12. C’était parce que mon corps avait des difficultés à s’adapter au fait de ne pas consommer de produits laitiers. Mais ce n’était pas à cause d’une carence nutritionnelle : la raison est que notre corps s’est habitué aux produits laitiers à cause de la caséine, que j’ai mentionnée précédemment.

Quand la caséine entre dans le sang, elle devient ce qu’on appelle de la casomorphine, un type de morphine présente dans le lait animal pour que les bébés veuillent téter leur mère, et donc qu’ils grossissent sainement. Alors, quand les humains consomment les produits laitiers, l’effet des casomorphines reste le même et nous devenons dépendants du lait, du fromage etc. Notre corps n’aime pas quand nous essayons d’enlever ces produits de notre régime alimentaire et nous réagissons de la même façon que pour n’importe quelle dépendance – nous devenons facilement fatigués, irritables, déprimés. J’ai pris ces compléments pour garder de l’énergie au moment où j’ai arrêté les produits laitiers. Après quatre ou cinq mois de veganisme, j’ai arrêté de prendre ces compléments et depuis je n’en prends plus aucun.

Mais il faut savoir que chacun a un corps différent avec ses besoins spécifiques. Avant d’adopter un régime vegan, je suggère à tout le monde de parler avec son médecin pour savoir si l’on a besoin de certaines vitamines. Il est aussi important de veiller à consommer une variété d’aliments riches en vitamines, protéines, fibres végétales et minéraux – mais cela est bon pour n’importe quel type de régime.

Propos recueillis par Emma Derome.

Written by Emma Derome

Digital native et littéraire, cherche actuellement un avenir sur Tumblr (dans le domaine des photos de chats)