Le deuxième long métrage du cinéaste et scénariste américain Patrick Wang frappe par son extrême justesse, sa beauté visuelle et son universalité. Le secret des autres (The grief of others), adapté d’un roman de Leah Hager Cohen, fut présenté en mai 2015 à l’Acid, competition parallèle du festival de Cannes. Il raconte l’histoire d’une famille de classe moyenne apparemment tranquille, comme il en existe beaucoup. John est décorateur pour le théâtre et sa femme Ricky travaille dans la finance. Ils ont deux enfant et vivent confortablement dans une belle maison non loin d’une rivière. Un beau jour, Jessica, fille de Paul issue d’un premier mariage débarque chez eux. Ricky et John vont vite découvrir que la jeune femme est enceinte. La présence de Jessica va forcer les membres de la famille à faire face à un événement douloureux passé sous silence et qui empêche chacun d’avancer.

Jessica  retrouve son petit frère Paul qu’elle n’a pas vu depuis des années.

Plus le film avance, plus la caméra se rapproche des êtres. Patrick Wang a de l’estime pour chacun de ses personnages et pour ses spectateurs. Il a choisi la délicatesse plutôt que le voyeurisme. Il nous fait comprendre beaucoup de choses grâce à des regards, des gestes, des petits riens qui font sens. Il n’est pas anodin d’ailleurs que l’un des personnages secondaires du film ait fabriqué dans son atelier de nombreux dioramas* tant Wang semble passionné par les micro-détails qui témoignent de notre façon de vivre et d’être au monde.

C’est un beau film sur les souvenirs, sur ces sensations qui refont surface et nous émeuvent aux larmes. Le cinéaste arrive à filmer les réminiscences du passé de façon simple parfois, d’autres fois de manière plus sophistiquée, mais toujours avec poésie. Les personnages sont tous profondément seuls et mélancoliques. Chacun arrivera pourtant à exprimer aux autres sa souffrance et se sentira plus apaisé à la fin du film. Le regard de Patrick Wang est lucide mais bienveillant. Il filme avec amour ses personnages et les lieux qu’ils habitent. En effet, à l’image de Jessica qui explore la maison de son nouvel ami Gordie, il s’attarde sur des objets qui en disent beaucoup sur les êtres et leurs imaginaires.

Wang semble nous dire que pour ne pas disparaître il faut arriver à extérioriser sa douleur à travers la parole, l’art ou le rites. On ne peut certes pas éviter la souffrance mais si on en discute vraiment et on l’affronte ensemble, elle est beaucoup plus supportable et maîtrisable. La dernière séquence du film qui illustre cette idée est particulièrement belle et émouvante. On voit un concrètement un souvenir en train de naître. Ce film est de ceux qui aident à vivre et permettent de faire entrer un peu de lumière dans nos vies…

*C’est un mode de reconstitution d’une scène (historique, naturaliste, géologique… voire religieuse) en volume et souvent en miniature…

Written by Matthias Hardoy

Parle beaucoup de cinéma et un peu d'autres choses (radio, théâtre...) Franco- espagnol de nationalité, finnois de cœur et parisien depuis peu...