Dans cette nouvelle flash-fiction, rien n’est tout à fait vrai mais rien n’est tout à fait faux. Parfois c’est drôle, souvent c’est tragique. Laissez-vous tenter par une micro-nouvelle inspirée du monde réel. Aujourd’hui on vous raconte comment faire passer le hoquet.

La flash-fiction "dans ton cul"

©gratisography

C’était un matin brumeux d’une banalité morne et humide. Ce matin-là, comme tous les autres, du lundi au vendredi, le réveil de Roger (Mimiche pour les copains) sonnait à 4h. Roger était comme le matin : d’une banalité à pleurer. Grande gueule, castagneur, macho, un homme, un vrai, avec des poils et des auréoles sous les bras. Ce matin-là donc ne différait en rien, excepté par la contraction involontaire de son diaphragme et autres muscles inspiratoires. Plus simplement, Mimiche avait le hoquet, ce qui le mit de fort méchante humeur. Il engueula sa fille, mis une tarte à sa femme et se sentit tout de suite mieux. Seulement le hoquet ne passa pas. La journée entière, la semaine, le mois… Roger n’en pouvait plus, les crises étaient si violentes qu’il en vomissait tripes et boyaux. Il se mit à perdre du poids et ses dents sous l’effet de l’acidité gastrique.

Il essaya tous les remèdes de grand-mère connus : grand verre d’eau la tête à l’envers, sucre trempé dans du vinaigre, glaçon sur le nombril, massage du palais… Absolument rien ne fonctionna. Il réussit seulement à devenir le con de son groupe d’amis qui s’amusaient beaucoup à lui faire faire toutes sortes de choses en lui assurant que « le remède était infaillible pour les hoquets persistants ». Le jour où il fut assez désespéré pour se retrouver en slip avec une tulipe dans l’oreille signa la fin de leur amitié.

Et le début d’un long parcours médical. Roger consulta à tout va généralistes et spécialistes. Traitements et examens médicaux s’enchaînèrent sans aucun effet. On rechercha toutes les causes possibles mais il fallut se rendre à l’évidence, physiquement rien ne clochait. En désespoir de cause, on lui conseilla le psy et Mimiche tapa dans un mur, le psy c’était pour les lopettes. Ses phalanges cédèrent mais pas son hoquet. Le jeune interne qui sacrifia son temps pour réparer ses doigts avait fini par bien connaitre le dossier puisque Roger avait pris un abonnement à l’hôpital. Ce jour-là, il prit son courage à deux mains et lui tint à peu près ce langage :

– Ça fait des mois que je vous vois débarquer presque toutes les semaines. J’ai consulté votre dossier. On vous a fait une batterie de tests et je suis désolé mais la situation est préoccupante. Vous êtes déshydraté, sous-alimenté. Si rien n’est fait pour votre hoquet vous risquez d’y passer. Je sais que mes collègues vous en ont déjà parlé mais vous devriez reconsidérer le toucher rectal. La technique a fait ses preuves, vous savez. Le chercheur a même eu le prix Nobel, enfin une sorte de prix…

Le pauvre ne finit jamais sa phrase, Mimiche le saisit au collet, lui serra la trachée et lui hurla dessus, des petits postillons blancs parsemant ses lèvres :

– Je suis pas un putain de PD ok ! T’aimerais bien hein p’tite tafiole ! Ça t’excite ! Tu veux que je t’en fasse un, moi, de toucher rectal ? C’est ça qui te fait bander petite merde ?

C’est ce jour-là, après un an de médecins, vomissements et hoquètements intempestifs que son épouse, un poil trop dévouée, craqua :

– Tu te fous de moi ? Tu préfères mourir que de passer 5 minutes avec un doigt dans le cul !

– Ta gueule Josiane ou je t’en colle une.

– Et moi, tu t’es déjà demandé si j’avais vraiment envie que tu me sodomises comme une brute ? Tu crois que j’ai vraiment envie de sentir ta queue me déchirer l’intérieur tout en sachant que demain ce sera la même chose et après-demain aussi puisque tu ne me fait l’am… tu ne me prends que comme ça.  Moi non plus je suis pas PD.

– Bah si un peu quand même.

Le petit ricanement de Mimiche s’étrangla dans un hoquet retentissant.

– Je m’en vais Roger.

– Reste-la, conas..hips.

Quand Mimiche eut tout perdu : boulot, femme, copains, maison, il se décida enfin à envisager l’éventualité d’un toucher rectal. Il retourna voir le médecin, la queue entre les jambes, et, épuisé et blafard, il accepta enfin un rendez-vous pour le jour suivant.

Une fois que ce fut chose faite, il se traîna jusqu’à chez lui avec la démarche et le souffle d’un vieillard bien décidé à prendre une mine. Il entreprit de noyer son hoquet dans l’alcool jusqu’au petit matin. La gnôle lui donna du courage et il se sentait prêt à s’ouvrir aux mains recouvertes de latex d’un médecin sans que sa virilité en soit irrémédiablement défigurée. Malheureusement pour lui, alors qu’il commençait à sérieusement gîter de la tête, gagné par un sommeil proche du coma, une image d’une netteté et d’une fulgurance toute éthylique lui traversa l’esprit : l’espace de quelques secondes il se vit, penché sur une table d’examens, le fessier « poils au vent », tandis qu’un grand médecin baraqué déposait une généreuse noisette de vaseline sur ses doigts. Alors que le praticien dégageait l’entrée de l’orifice anal, une légère érection vint tendre la couture de sa braguette.

Roger ne se présenta jamais à l’examen et trépassa quelques semaines plus tard : mort de hoquet, enfin de hoquet…

La vraie actu :

Découvrez mes autres micro-nouvelles sur mon site Flash-fiction !

Written by Léna