Dans cette nouvelle flash-fiction, rien n’est tout à fait vrai mais rien n’est tout à fait faux. Parfois c’est drôle, souvent c’est tragique. Laissez-vous tenter par une micro-nouvelle inspirée du monde réel. Aujourd’hui on vous raconte les dessous du FBI.

La flash-fiction qui vous révèle les dessous du FBI

7h52, accrocher le pardessus, frotter les manches usées 3 fois, s’asseoir sur la chaise et la faire rouler 4 fois, 1 fois par roulette, celle de gauche a le roulement un peu usé. Caresser la troisième feuille de la plante dépolluante et lui dire bonjour pour qu’elle continue à assainir l’air des mauvaises particules.
7h59, appuyer sur le bouton « on » de l’ordinateur, vérifier que la souris roule bien, un quart de cercle à gauche, haut-bas-haut-haut, cercle complet. Ouvrir le premier tiroir, le fermer, l’ouvrir, sortir le petit soldat de plomb, l’installer à côté du téléphone pour protéger des mauvaises nouvelles. Taper le mot de passe, effacer le mot de passe, taper le mot de passe, effacer le mot de passe, taper le mot de passe plus lentement, surtout ne pas faire d’erreur. Sortir la tasse I ♥ NY, tirer sur l’anse de toutes ses forces, la poser à 20 cm des bords du bureau et à 10 de la souris, faire un grand geste pour vérifier qu’elle n’est pas sur la trajectoire et recommencer. Commencer à travailler, ne jamais lever les yeux plus haut que le bord de la cloison.

Aller déjeuner, tirer sur l’anse, ranger la tasse, éteindre l’ordinateur, faire tomber le soldat, 1, 2, 3 fois, le poser à côté de la tasse toujours à droite, bouger la souris, demi-cercle, haut-bas-haut-haut-cercle complet, caresser la plante, vérifier les roulettes, frotter les manches, prendre le pardessus, sortir.

Revenir, accrocher, frotter, frotter, frotter, s’asseoir, faire rouler, faire rouler, faire rouler, faire rouler, caresser, allumer, ouvrir, fermer, ouvrir, sortir, installer, taper, effacer, taper, effacer, taper, sortir, tir…

– Ah, vous voilà, Z. ! Envoyez-moi un message aux agents de terrain. On a reçu le signalement du suspect… Oh et envoyez-le par sms, ils n’ont pas tous accès à leurs emails. Bien sûr c’est votre top priorité.

– Bien Monsieur.

Recommencer deux fois un rituel interrompu. Accrocher, frotter, frotter, frotter, s’asseoir, faire rouler, faire roule…

– Est-ce que vous vous foutez de ma gueule ! Vous allez m’arrêter vos trucs à la con immédiatement et m’envoyer ce message dans la SECONDE, OK ?

Compter, 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25. Oublier la présence menaçante dans son dos qui le domine de toute sa taille 26 27 28 écrire le message 29 30 31 32 33 34 35 36 37 empêcher ses doigts de trembler 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 envoyer le message 51 52 53 54 55 56 58 non non non recommencer, vite.

1 2 3 4 10 20 50 sonneries de 50 téléphones retentissent dans le bureau. Une synchronisation parfaite. C’est rassurant, doux. Mais dans sa poche, l’iPhone de Z. vibre et ça c’est angoissant parce que ce n’est pas l’heure DU coup de fil. Dehors, 8 millions de téléphones sonnent ou vibrent.

La présence menaçante a glissé la main dans sa poche et en a sorti quelque chose sur lequel il pianote.

– Mais qu’est-ce que vous avez foutu, abruti. Ce n’est pas à moi qu’il fal…

Et il comprend.

– Mais c’est pas possible d’être con à ce point, vous avez utilisé le programme WHYPN-WAWY (we have your phone number – we are watching you). Il devait rester confidentiel. On va avoir les journalistes sur le dos qui vont agiter Big Brother à tout va. Putain ! O. envoyez-moi un communiqué de presse immédiatement ! Vous mettez tout le blabla qu’il faut mais surtout il doit y avoir les mots : « au nom de la lutte anti-terroriste », c’est clair ?

– Allô, Monsieur le Président.

 

La vraie actu :

New York: Le FBI fait sonner tous les téléphones de la ville

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Written by Léna