Le film High-Rise, sorti ce 6 avril, met en scène le futur vu depuis les années 1970. La vie dans un building dernière génération, le luxe des années folles ou la folie des années de luxe ? Vous en êtes seuls juges. Tom Hiddleston tient la tête d’affiche avec à ses côtés Luke Evans, Jeremy Irons et Sienna Miller. Un film perturbant qui vous fait sortir de votre zone de confort cinématographique.

High-Rise est inspiré du roman éponyme

Publié dans les années 1970, le roman High-Rise évoque la vie dans un building dernier cri proposant à ses habitants tout le confort nécessaire. Une piscine, un supermarché, des ascenseurs ultra-rapides et une école (élément pas évoqué dans le film). Bref, tout pour vivre la vie rêvée de nos parents. L’auteur du roman, J.G Ballard, voulait décrire l’habitat du futur tel que les années 1970 l’imaginaient. En somme, et sans vouloir spoiler, ce roman est une dystopie : le rêve annoncé tourne au cauchemar et l’homme devient prisonnier de son pseudo paradis.

L’histoire d’une critique sociale

Le film s’ouvre sur une scène d’apocalypse : l’immeuble est insalubre, l’eau courante et l’électricité sont coupées, les habitants s’entretuent. Le cadre est anxiogène et nauséabond, jusqu’à ce qu’un écriteau annonce aux spectateurs « trois mois plus tôt ». Comment en est-on arrivé là ? Le film en est finalement l’explication, le spectacle d’une descente aux enfers.

Nous découvrons cet immeuble et ses occupants en même temps que le docteur Laing (Tom Hiddleston) qui vient d’y emménager. Rapidement il tente de s’intégrer à la communauté mais l’ambiance est malsaine et respire la perversion, la luxure et la jalousie. Tous les habitants font partie des classes moyennes et aisées, et plus on habite haut, plus on est riche. Au sommet vit l’architecte de l’immeuble (Jeremy Irons), dont l’ensemble de la création consiste en un complexe ensemble de cinq immeubles similaires formant une main qui se referme. Lui même l’avoue : « I am the architect of my own accident » – « Je suis l’architecte de mon propre accident« . Ce complexe ressemble plus au déclin de sa propre vie. Dans cette organisation ô combien hiérarchisée, chacun envie celui au-dessus de lui.

L’absurdité du film nous attrape et ne nous lâche pas

Crédit: Tom Hiddleston HQ

Crédit: Tom Hiddleston

L’immeuble est un personnage. Sans raison apparente, le courant et l’eau se coupent, le supermarché n’est plus approvisionné, le vide ordure s’obstrue et les déchets s’accumulent. Les habitants se tournent les uns contre les autres s’accusant mutuellement de tous les torts. Les réactions absurdes et poussées à l’extrême nous intriguent et nous empêchent de décrocher d’un film dont le pouvoir de concentration nous absorbe. Les hommes deviennent fous ! Pourquoi ne partent-ils pas ? Pourquoi rester dans un tel endroit ? Ils sont prisonniers de leurs propres conditions, retenus par l’immeuble qui aspire l’humanité et la logique qui font d’eux des hommes. L’homme devient un loup pour l’homme.

Ce film est un huit-clos, le monde extérieur existe mais ne vit pas. La police n’est pas inquiétée par les décès et les agressions ou même l’insalubrité des lieux. On entrevoit le monde extérieur depuis l’immeuble mais troublé, sans forme, à contre-jour. Finalement cet immeuble se transforme en microcosme, une sorte d’expérience sociale menée par l’immeuble lui-même.

Le jeu des acteurs est époustouflant

Le choix de Tom Hiddleston comme personnage principal est sublime. Son visage anguleux et sa silhouette fine tranchent avec les autres personnages. Charismatique, froid, distant, il est stoïque face à ce qu’il se passe, l’acceptant, le subissant parfois. On se rend finalement compte que le Docteur Laing est lui-même sclérosé par son passé. N’arrivant pas à dormir, poursuivi par ses fantômes, il doit se reconstruire dans un univers qui s’écroule.

Tom Hiddleston partage l’affiche avec Luke Evans, qui donne une performance incroyable dans le rôle de Richard Wilder. C’est un réalisateur de documentaire raté, sociopathe et violent qui envisage de tourner un documentaire sur la décadence de l’immeuble. Étant à la fois acteur et spectateur de la chute, Luke Evans est une sorte d’ange du chaos. Pour autant son allure de démon fait frémir, il transpire le mal.

Crédit: Haber garaj

Crédit: Haber garaj

High-Rise est un excellent film qui sort du lot et vous offre une expérience cinématographique unique. C’est un film plein de symboles qui nous permet de nous représenter le futur comme le pensaient nos parents. Les acteurs sont excellents et la réalisation sublime, on n’est pas uniquement spectateur, on vit la décomposition de l’immeuble. C’est un film profondément organique qui pourra vous donner la nausée, signé de la pâte de Ben Wheatley.

Written by Bastien Cueff