Créée en janvier 2015, la Brigade du Livre est une chaîne YouTube traitant de littérature contemporaine par le biais de trois programmes. Fêtant aujourd’hui sa première année d’existence, elle réussit brillamment à lier littérature, numérique et pertinence des propos dans des vidéos subtilement réalisées. Michael Roch, créateur de la chaîne, a bien voulu répondre à nos questions.

Logo de la Brigade du Livre par Sylvain Therras

Logo de la Brigade du Livre (par Sylvain Therras)

La revue Y (Y) : Michael Roch, tu es le créateur d’une chaîne YouTube appelée « La Brigade du Livre ». Cette chaîne traite de plusieurs thèmes de littérature contemporaine. Mais avant de discuter de la chaîne, peux-tu te présenter aux lecteurs ?

Michael Roch (MR) : Bonjour ! Je suis un jeune auteur de science-fiction très porté sur les nouvelles manières de lire et d’écrire. J’ai déjà publié quatre livres chez Walrus, maison d’édition numérique (qui fait aussi du papier). Mon dernier roman est un pulp post-apocalyptique racontant des courses de roller-derby où tous les coups sont permis. Le prochain sort ce début d’année 2016 aux éditions du Peuple de Mü et raconte l’histoire de voyageurs spatio-temporels qui ont une mission bien précise mais inconnue car, manipulés par une secte millénaire, ils ne se rendent pas compte de leurs sauts temporels. J’explore la lecture à travers tout le spectre des nouvelles technologies et l’écriture par ses aspects de translittérature, c’est-à-dire le livre, l’audio, l’image et la vidéo.

Y : Quel est ton histoire avec la lecture et la littérature de manière générale ?

MR : Comme beaucoup, j’ai grandi en lisant des bandes-dessinées et des romans. Raconter des histoires était aussi une de mes passions. Les coucher sur papier, et plus tard sur d’autres supports, était un peu l’évolution logique de toutes ces activités.

Y : Et ton lien avec YouTube ?

MR : Je suis venu à faire de la vidéo, et en particulier à la diffuser sur YouTube, un peu tard. Mais aujourd’hui, je vois cela comme l’aboutissement de ce processus de création qui me pousse chaque jour à avancer plus loin. Plusieurs personnes m’ont inspiré et aiguillé, directement ou indirectement, pour que je parvienne là où je suis aujourd’hui. YouTube a ceci de particulier qu’il démocratise la création vidéo et la rend accessible à tous, que ce soit en tant que créateur ou spectateur.

Y : Qu’est-ce qui t’a poussé à passer devant la caméra et à parler de littérature ?

MR : Mes amis qui faisaient déjà de la vidéo (François le Fossoyeur de Films, Patrick d’Axolot et Mathieu de French Food Porn) m’ont poussé dans le dos avec une bienveillance qui leur est bien propre, et je suis tombé dans leur bain. Devant mon engouement à leur parler de mes lectures, ça a été leur seul conseil possible.

Y : Quand on regarde tes vidéos, on sent déjà un style, une écriture et des propos travaillés et approfondis. Comment te sont venus les trois concepts qui animent ta chaîne ?

MR : Avec Lilian Peschet, qui est le co-créateur de la chaîne, nous sommes partis de l’idée d’une websérie : quatre flics qui arrêtent de mauvais auteurs et remontent la piste d’un trafic de drogue. Nous voulions ajouter à cela des critiques littéraires vraiment sérieuses et positives, alors on s’est dit qu’il fallait séparer les deux. Le reste est venu parce qu’on voulait parler d’autres choses que de bouquins, mais aussi des auteurs eux-mêmes.

Y : L’inspiration ou les idées d’écritures te sont-elles venues d’autres chaînes ou vidéos YouTube (littéraires ou pas) ?

MR : L’idée d’associer la fiction à des chroniques littéraires m’a été inspirée par @InthePanda sur sa chaîne : Unknown Movies. J’ai trouvé son traitement très pertinent. Et l’ajout de fiction dans la chronique en a aussi inspiré bien d’autres : le Fossoyeur, par exemple, se met enfin à développer la mythologie de son personnage. Ça va valoir le coup d’oeil !

Y : Tu évoques beaucoup le style d’écriture et le côté très « léché » des livres que tu présentes. Ce sont selon toi des critères primordiaux pour faire un bon livre ?

MR : Le style fait partie, selon moi, des critères qui font un bon livre. Le plaisir de la lecture est le résultat de l’addition du style, d’un bon scénario et de l’enseignement que j’en tirerai. Si l’un de ces trois ingrédients fait défaut, je risque de ressortir de ma lecture avec un « bof bof » en tête, ou bien de ne pas finir le livre du tout.

Kilke, personnage principal de la chaîne interprété par Michael Roch. Photos de Thomas O'Brien

Kilke, personnage principal des vidéos de la Brigade du Livre, interprété par Michael Roch. (© Thomas O’Brien)

Y : Tu as parfois des propos très critiques à l’égard des auteurs, tu évoques dans le générique de tes vidéos une « guerre ouverte de la culture » et une écriture dans l’illégalité, les assassinats, la mafia, etc. Les écrivains français écrivent si mal ?

MR : Non, le générique tient de la partie fictive de la chaîne. Elle exacerbe et caricature toutes les pensées de comptoir que l’on entend autour de la littérature actuelle. Elle ne reflète en rien mes pensées. J’aime beaucoup lire des romans français. Certains auteurs valent vraiment le coup.

Y : Qu’est-ce que la « nave », cette substance au cœur des enquêtes du GIPL (Groupement d’Intervention de la Police Littéraire) ?

MR : Il s’agit d’une drogue permettant aux auteurs de décupler leur créativité, mais plus on en prend, moins on en a. Qui a créé cette drogue, qui la distribue, qui la consomme ? Pour le savoir, il faut regarder la websérie !

Y : Tu es un des rares hommes à parler de littérature sur YouTube, les femmes sont majoritaires. Tu ne te sens pas trop seul ?

MR : Non, il y a aussi les gars de The Mock, Geek Librairie, Cédric Armen, Steve, ou Yvo le dévoreur. Non, je ne suis pas du tout seul… Et je trouve ça bien que les femmes s’emparent aussi de YouTube à leur manière.

Y : On perçoit facilement le travail d’équipe qui s’effectue dans tes vidéos. La Brigade du Livre c’est avant tout une histoire de potes ?

MR : Pour l’écriture des scénarios et de l’univers, nous sommes deux : Lilian et moi. Les chroniques et les focus, je les écris seul. Et les autres personnages ne sont que des acteurs, ils n’interviennent pas dans l’élaboration de la chaîne. Sur les tournages, chacun y va de son petit conseil ou apporte ses compétences, mais dans l’ensemble je reste encore une fois le chef des opérations. Donc, plutôt qu’un travail d’équipe, je parlerai d’un délire entre potes. On se fait plaisir, c’est le plus important.

Y : François Theurel, connu comme le Fossoyeur de Films, est un personnage permanent dans tes vidéos. C’est un ami ? Comment est-il arrivé dans tes vidéos ?

MR : C’est un fieffé ami de la vie de tous les jours. Je n’ai eu qu’à lui en toucher deux mots doucereux autour d’un bon godet de bière des familles.

Y : Vas-tu travailler en collaboration avec d’autres YouTubeurs ?

MR : Je ne sais pas, ça dépendra des opportunités. Je ne travaille pas avec les autres YouTubeurs dans le seul but de faire des vidéos avec eux. Il s’agit d’abord d’avoir un propos et un apport mutuel pertinent. Mais ce genre de rencontre est toujours un plaisir, quoi qu’il en soit !

Y : Quel est l’avenir de la Brigade du Livre aujourd’hui ? As-tu des objectifs ou est-ce que ça reste un « hobby » ?

MR : C’est un gros hobby. La Brigade du Livre arrive à un an d’existence. Pour l’année prochaine, je pense encore diversifier les programmes pour que le rendez-vous ne soit jamais le même et toujours accompagné d’un plaisir renouvelé. Il y aura donc des vidéos un peu plus généralistes sur la littérature, les livres et leurs auteurs.

Written by Bastien Cueff