Cet article est extrait du n°7 de la revue Y, téléchargeable ici.

Photographie : vagueonthehow

(Attention, cet article est susceptible de contenir des spoilers. Je dis ça, je dis rien.
Ah, vous continuez quand même à lire ? Merci, c’est gentil ça.)

Comic Con de San Diego, juillet 2013. La neuvième saison de How I Met Your Mother sera bel et bien la dernière, et pour confirmer leurs dires, les créateurs de la série, Carter Bays et Craig Thomas, ont dévoilé un teaser hilarant. Dans ce dernier, les enfants de Ted Mosby pètent les plombs face à leur père – qui prend quand même tout son temps pour raconter comment lui, jeune architecte new-yorkais, a rencontré leur mère ; huit ans exactement, on commence à comprendre leur malaise !

La diffusion des ultimes épisodes de How I Met Your Mother a débuté le 23 septembre 2013 aux États-Unis (et à peu près dans deux ans en France. Accrochez-vous). Ce à quoi je lance une grosse polémique attention, j’ai peur de rien, je l’écris haut et fort : TANT MIEUX ! La saison 8 ayant résolu la plupart des problématiques de la série, de façon assez poussive d’ailleurs, mes pieds et moi-même sommes d’accord pour ne plus trépigner devant l’écran comme jadis. Et jadis, il y avait Ross et Rachel…

En 1994 apparaît à la télévision LA grande sœur de How I Met Your Mother, la cultissime sitcom Friends. Souvent comparées (à juste titre), les deux séries retracent le parcours d’une bande de trentenaires new-yorkais plutôt loufoques, et aux personnalités attachantes. Il y a les coureurs de jupons, les rigolos de la bande, les intellos qui agacent un tantinet les autres avec leurs anecdotes, ou encore les icônes féminines dont tu as envie de copier la coupe de cheveux. Tous aiment se retrouver soit dans un café cosy (le Central Perk), soit dans un pub chaleureux (le Mac Lauren’s).

Mais surtout, ce qui est commun à ces deux situation comedies, c’est ce succès planétaire, qui a placé au rang de stars ses interprètes, en jouant sur des codes appréciés de notre génération. Décryptage.

La réussite version US
Les deux séries nous font rêver, il faut le dire. Vivre à New-York avec une bande de copains, un job d’enfer et un humour irrésistible, on a connu pire. Dans How I Met Your Mother comme dans Friends, les personnages accèdent – non sans galères – à des emplois attractifs ; on pense à « Ted Mosby, architect » bien sûr ; à Marshall, que l’on voit devenir avocat spécialisé dans l’environnement ; à Robin, journaliste ; au « Professeur Ross Galler » ou à sa sœur Monica, chef cuisinier… Les thèmes du chômage, du changement d’orientation professionnelle – avec ou sans diplôme – et de la reprise d’études, entre autres, sont abordés dans les deux séries. La réussite « à l’américaine » encourage une génération désenchantée, et tous rêvent de connaître le même destin que Rachel, la serveuse du Central Perk devenue acheteuse chez Ralph Lauren.

Des répliques incontournables
Que serait une génération sans ses références, ses phrases cultes, ses points de repères ? Friends et How I Met Your Mother nous ont offert des gimmicks restés dans les mémoires, à commencer par leurs génériques, ultra simples à mémoriser. Qui n’a jamais fredonné (avec quelques fausses notes) le fameux « I’ll be there for youuuuuuuuuuuu » ou le générique sans paroles d’ How I Met Your Mother? Des kilomètres entiers de vitrages ont explosé depuis 1994 à cause de ces millions de jeunes adultes reprenant, main sur le cœur, ces mélodies. « True story » (1).
God bless les scénaristes américains, qui ont inventé le personnage de Barney Stinson, et son légen… Attendez. Avant de commencer, regardez les séries en VO. Sérieusement. Vous n’imaginez pas le nombre de vannes que vous manquez en VF. Reprenons. Barney et son légendaire « tonight’s gonna be legen… wait for it… dary ! » (2), souvent suivi de ses hystérico-lyrico « Awesome ! » (3).
À ce jeu, Phoebe Buffay challenge Barney avec son célébrissime Smelly Cat (4). Joey Tribianni a inspiré bon nombre de séducteurs en herbe (Robert Pattinson, si tu nous lis, non, tu n’es pas concerné) avec « How ya doin’ ? » (5), Janis a même déteint sur Chandler (qui a déteint sur nous) avec ses irritants « OH-MY-GOD » (6), tandis que Ross fait toujours débat avec « We were on a break ! » (7).
Allez, maintenant, avouez-le : il vous est déjà arrivé de prononcer l’une de ces phrases en soirée, même que quelqu’un vous a tapé dans la main.

Photographie : Raintwoto

Les icônes de toute une génération
Friends et How I Met Your Mother ont vu naître des personnages cultes, Rachel Green et Barney Stinson en tête. Ces personnages, sans être totalement opposés, représentent à eux deux des facettes – plus ou moins réalistes – d’une génération un peu schizophrène. Barney Stinson endosse la veste de l’insouciance, du « carpe diem » propre à une jeunesse qui ne sait pas de quoi demain sera fait, refusant de s’engager durablement – avant de s’assagir… passé trente ans. Rachel Green représente le passage de l’ « adulescent » à l’adulte plus ou moins mature. L’un des tous premiers épisodes, où ses amis l’obligent à couper les cartes de crédits de son père pour s’émanciper, est éloquent, presque symbolique.
On retrouve un peu de nous dans chacun de ces « friends » ; voilà l’ingrédient principal du succès des deux sitcoms. En clair, eux, c’est nous.

Friends et HIMYM, deux sitcoms qui prônent les valeurs de la génération Y
Les deux séries placent l’amitié au centre de tout ; alors que les générations précédentes évoluaient plutôt au cœur de sphère familiale, la nôtre, urbanisation et mobilité oblige, étend cette famille de sang à une famille de cœur. On n’ira pas jusqu’à dire qu’on a tous cinq amis qu’on voit tous les quatre matins dans un café, assis sur le même canapé (et après ils nous font croire que ces gens-là ont un boulot…), mais quand même.
How I Met Your Mother est cependant davantage axée « Y » que son ancêtre : la plupart des protagonistes, Barney en tête, possèdent un blog, et Ted « google » ses rencards avant de les rencontrer. Ils ne sont pas aussi geeks que dans The Big Bang Theory (si vous ne connaissez pas, je me dois de considérer que vous êtes soit le Yéti, soit Franck Ribéry), mais aussi « digital natives » que la majorité d’entre nous. En revanche, Internet débarque seulement dans les toutes dernières saisons de « Friends » ; dans l’une des dernières saisons, Chandler fait croire à la mort de Ross sur le site internet des anciens de la fac. L’une des fréquentes dérives des réseaux sociaux est ainsi traitée de façon farfelue et borderline, pour notre plus grand plaisir.

Photographie : Fan the Fire Magazine

Des reflets de la société moderne
Friends, et plus tard How I Met Your Mother, s’avèrent également des révélateurs de cette génération pour qui le mariage et les bébés ne sont pas une logique en soi. Dans les années 90, la première aborde le ô combien polémique sujet de la mère porteuse. Parce que tous beaux et heureux qu’ils sont, les friends font face au divorce, à la stérilité, élèvent seuls un enfant – lorsqu’ils font le choix d’en avoir un.
Rachel et Robin sont les modèles d’un « nouveau féminisme » en phase avec leur temps, notre temps. Ross et Ted représentent quant à eux une nouvelle génération d’hommes, en accord avec leurs sentiments et leurs doutes.
Tous peinent à trouver l’âme sœur avant 30 ans, mais tous ont cette envie intérieure de trouver l’équilibre dans un duo « égal à égal », et ce ne sont pas nos couples phares (Ross et Rachel, Robin et Barney) qui nous contrediront !
Si, à la suite de cet article, vous êtes devenus nostalgiques, je vous propose, avec toute la rédac’ d’Y, de former une immense bande de copains (on est 268 sur Facebook quand même), d’aller danser dans une fontaine en plein milieu de la nuit en racontant aux filles croisées qu’on est astronaute, et puis de faire un break pour faire le point, assis sur le toit d’un immeuble qu’on aura dessiné nous-mêmes.

SUIT UP ! (8)

(1) True story : cette histoire est véridique/histoire vraie (terminer chaque anecdote improbable par cette phrase)
> Mise en pratique : http://www.youtube.com/watch?v=1eTu_ePj7Qs
(2) Tonight’s gonna be legen… wait for it… dary ! : Cette soirée promet d’être légen… attend un peu… daire ! (à prononcer à chaque début de soirée, suivi d’un High Five si possible)
> Mise en pratique : http://www.youtube.com/watch?v=C19US6rqqAo
(3) Awesome ! : génial ! (à prononcer pendant ou après la soirée, surtout si on s’y est illustré)
> Mise en pratique : http://www.youtube.com/watch?v=gQHrgXeDqYk
(4) Smelly Cat : Tu pues le chat (à chanter faux)
> Mise en pratique : http://www.youtube.com/watch?v=W7jlGRq8xZ4
(5) How ya doin’ ? : Hé, ça va toi ? (à prononcer d’une voix suave avec un regard de braise façon Tribianni)
> Mise en pratique : http://www.youtube.com/watch?v=43wkqM27z2E
(6) OH-MY-GOD : OH-MON-DIEU. Prendre son temps entre chaque mot et accentuer chaque syllabe pour agacer un maximum de personnes.
> Mise en pratique : http://www.youtube.com/watch?v=jG3IWHpQVJg
(7) We were on a break ! : On avait fait une pause ! (prétexte à tenter, on sait jamais, ça peut passer)
> Mise en pratique : http://www.youtube.com/watch?v=oEn9YvJ3Gfg
(8) Suit up ! : Enfile ton costume ! (ne fonctionne pas très bien, ni dans la série, ni dans la vraie vie. Cette expression aura cependant été à l’origine de nombreuses soirées étudiantes sur le thème)
> Mise en pratique : http://www.youtube.com/watch?v=OCQsEKOVZFM

Written by Claire Faugeroux

"Y" dans l'âme, fermement décidée à prouver que sa génération a construit sa propre culture, nez collé aux écrans... ou pas !