Cet article est extrait du n°8 de la revue Y, téléchargeable ici.

Depuis quelque temps la tendance à Paname est de kiffer NYC, de faire la nique au brunch trop bobo en se gavant de burgers gourmets à dix-huit balles, une Five Panels vissée sur la tête, et le ketchup qui dégouline sur le BWGH. Mais ce cliché très parisien ne s’est pas construit sur du néant, et pour comprendre pourquoi il est né, il n’y a qu’à citer du Mos Def, « ‘cause it’s the B, the R, the O, the OK… »

La première fois que j’ai vraiment kiffé Brooklyn, je descendais tout juste de l’avion et me retrouvais carrément jetlag, devant un concert organisé par l’excellent label Captured Tracks au Williamsburg Music Hall, sur North 6th Street.

Les yeux mi-clos je distinguais de l’œil gauche une bière dans ma main, qui switchait sur Mac Demarco hurlant « the Yaaaaaaaaaankees ! Are they sucking my c#!@’ the Yankees ? ». DIIV suivait et toutes les petites hipsterines à bonnet s’excitèrent pendant qu’avec mon pote on se descendait une énième Bud.

La plupart des gens n’ont de New York que les clichés des attractions touristiques et finalement peu de choses à raconter. D’autres ne s’aventurent même pas au-delà de l’East River ou alors seulement sur la jetée de Brooklyn Heights pour taper la pose devant la skyline et le Brooklyn Bridge. Pauvre conception de la découverte.

Photographie : (c) Mathieu des Esseintes.

Mais quand tout ce petit monde était le cul dans le satin au Hyatt sur Grand Central, moi je partageais un lit en mezzanine dans un mi-squat, mi-studio d’enregistrement au-dessus d’une pompe à essence. Pour m’endormir, seul le trafic de la Brooklyn Queens Expressway me servait de berceuse mais pour rien au monde j’aurais voulu être ailleurs.

Le matin au réveil, peu d’alternatives pour déjeuner. Le mieux était de redescendre vers Williamsburg au Café Colette sur Berry Street. Là, les muffins et les gâches sont des arts de vivre. Le café n’est pas dégueu et le quartier est top : petites maisons de briques et plein de verdure dans la rue. Ici les gens sont détendus, tout le monde s’habille dans les vintage shops et les rues regorgent de vieux barbus qui vendent tout et n’importe quoi sur le pavé. C’est une sorte de marché aux puces permanent où en vingt minutes tu peux t’habiller en Napoléon ou dégoter un vieux dentier jauni encore dans son verre d’eau. Plein de trucs inutiles, mais qui a dit que le bonheur venait de ce qui est utile ?

Pour les mecs, l’argument imparable pour ne « chiller » qu’à Brooklyn une fois la nuit tombée est cette sorte de jardin d’Éden dans un hangar qui fait salle d’arcade et diffuse du rock’n’roll, où les filles sont jolies et la bière pas chère. Et de surcroit, ce sont les filles qui viennent vous challenger sur Tetris ou Mortal Kombat. Ça s’appelle le Barcade, subtile contraction de Bar et Arcade.

La vie nocturne de Brooklyn est jeune et intense. Les bars ne manquent pas et le plaisir d’en changer au quotidien est bien réel. Un autre endroit des plus originaux est Maison Première (il faut croire que c’est ce qu’il y a de plus trendy, les noms français comme enseigne). Cet endroit est comme un retour aux années 1920. Eclairage tamisé et serveuses en corset, on y consomme de l’absinthe sur le grand comptoir en marbre. Un voyage dans le temps pour $10, mieux que Disney World les enfants !

Photographie : (c) BSA.

Photographie : (c) BSA.

À Brooklyn il y a aussi des musées. Mais ce qui est le plus intéressant niveau art se trouve dans la rue et c’est gratuit. Là, t’oublies vite de checker ton iPhone toutes les 5 secondes car ton environnement t’emm#!@’, ici t’es comme un gosse devant Cartoon Network. Brooklyn est au centre de la vie artistique new-yorkaise. Tu te retrouves facilement dans des hoods entiers comme si t’étais un héros de films de Spike Lee, looser hagard entre les bricks entièrement bombées. Tu vois tout en technicolor et bientôt, l’envie de te laisser porter par des sneaks stylées te prendra.

Les meilleurs spots de street art sont Dumbo, Gowanus et Greenpoint (avec tous les hangars de chinois vendeurs de carrelage et peu d’habitants, les artistes se font plaisir). Une entorse à Brooklyn peut être quand même faite pour aller au MoMA PS1 à Long Island sur Jackson Avenue (Queens). C’est beaucoup plus petit que le MoMA mais on y trouve des artistes moins connus (parfait pour faire le Parisien entre potes), des collections permanentes dingues (notamment « Meeting » de James Turrell), des expositions temporaires vraiment cool et surtout aucun touriste. En somme, un vrai lab’ d’artistes exceptionnels.

Enfin, Brooklyn côté shopping c’est surtout les flea markets et les vintage shops en abondance (ne pas hésiter à aller le samedi matin sur Lafayette Street, où se tient le Brooklyn Flea Market). Mais pour ceux qui sont en mal de Gap et Hennes & Mauritz, le rendez-vous est pris sur Fulton Street, sortie de métro Atlantic Avenue, juste à côté du Barclays Center, la salle des shows à l’américaine.

Bref, à Brooklyn, y’a la plage, une brasserie (Brooklyn Brewery) et des bars cool, des gens cool, de l’art cool, des salles de concert cool, des shops très cool et des burgers à $5. Pourquoi s’ennuyer à Manhattan ?

Mathieu des Esseintes.

Web :

Brooklynbased.com

Gothamist.com

Brooklyn Tracklist :

DIIV – Doused

Nas – Represent

Mos Def – Brooklyn

Fiasco – Oh You Horny Monster

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Written by Mathieu des Esseintes