Cet article est extrait du n°8 de la revue Y, téléchargeable ici.

(c) Youtube.

Norman. (c) Youtube.

Il y a quelques années, alors que je n’étais qu’une jeune surdiplômée en recherche d’emploi, mon frère m’a appelée pour me montrer la vidéo d’un mec un peu maigrichon au teint pâle répondant au doux de nom de « Norman ».

Ni mon frangin ni moi nous doutions à ce moment-là que nos côtes allaient subir une sévère torsion, précédant une crise d’hystérie, celle qui nous envahit lorsqu’on a le sentiment d’avoir trouvé notre nouveau meilleur ami. Norman avait tout : le physique du jeune Y un peu perdu dans ce monde étrange, flottant dans un sweat-shirt à capuche sans doute emprunté à Mark Zuckerberg, et qui avait non seulement tout compris des bilingues, mais aussi des outils de communication de sa génération.

On les appelle donc les « YouTubers », à défaut d’avoir trouvé (ça viendra) un nom adéquat à ce qui est en train de devenir une profession à part entière. Ce sont des amateurs de « gaming », des musiciens, des blogueurs, mais aussi, et ce sont eux qui m’intéressent, des humoristes. Ces Hugo, Cyprien et autre Léa, ce sont des « digital natives » purs et durs, enfants de la balle 2.0, qui à un moment donné, ont décidé de s’amuser en se disant « tant qu’à faire, amusons le monde entier ».

Petit tour d’horizon de ces héritiers de Rémi Gaillard et Jamel Debbouze, avec des titres de paragraphes qui, sans doute, vous rappelleront ceux d’une merveilleuse quadrilogie vampirique.

Inspiration

Aujourd’hui, n’importe qui (avec ou sans talent, hélas) peut se faire connaître du monde entier avec un minimum de moyens ; en l’occurrence, une caméra ou une webcam HD et une connexion Internet. Le but n’est pas de faire dans le glamour, ni dans le trash, mais de coller à la réalité. D’être soi-même, mais de se distinguer des autres quand même. D’être « normal » (terme à la mode), sauf que personne n’est dupe. Il faut être drôle, intelligent, accrocheur. Faire rire en moins de cinq minutes pour ne pas être zappé. Tenir le rythme. Et ne vous fiez pas aux apparences, ceux qui sortent du lot avaient déjà acquis les bases du métier avant ; la plupart sont issus de filières techniques, d’études de cinéma ou de graphisme, et tous se servent de leurs compétences au profit d’un concept en constante évolution.

PewDiePie (c) Youtube.

PewDiePie (c) Youtube.

Starification

La société et les journaux n’accordent pas de crédit aux jeunes ? Tant pis, les réseaux sociaux sauront le faire à leur place. Et c’est ce qui se passe : la télévision est dépassée, les reportages sur les « YouTubers » débutent plusieurs années après les débuts du Velcrou ou de Monsieur Dream sur la Toile. Alors ce sont eux, encore une fois, qui vont aller au-devant des choses, notamment avec de vrais shows au Grand Rex (y en a qui s’embêtent pas) et des contrats choisis (oser dire « non » à Michel Denisot pour intégrer le staff de Canal+, c’est comme dire « Zlatan, mets-toi plutôt au basket, tes buts m’ennuient terriblement »). L’objectif ? Garder leur liberté de « self made men », ce sacré culot que redoutent les managers du monde entier…

Mais tout n’est pas rose au pays des YouTubers. Déjà, parce qu’on doute de la pérennité du phénomène, rapport à l’évolution ultra-rapide du Web et des modes de communication, mais aussi parce que le public de ces humoristes finira, lui aussi, par vieillir. Et ne nous voilons pas la face, on n’a pas le même humour à 50 ans et à 25 ans. Les parents qui prétendent se bidonner devant Mister V veulent juste ne pas passer pour des RINGARDS.

(c) Youtube.

Léa Encore Junior. (c) Youtube.

Féminisation

Les YouTubers sont également plutôt de sexe masculin, les filles squattant plutôt le créneau « conseils beauté et maquillage ».

Hyper créatives et avec une gouaille à faire pâlir Florence Foresti, certaines ont heureusement réussi à échapper au cruel monde des vidéos « pour apprendre à faire un chignon bun et ressembler à toutes les autres nanas dans la rue », et imposer leur style dans le club (encore) fermé des stars d’Internet. En France, Léa Encore Junior a su nous conquérir avec ses déguisements (aah, la gambas !) et ses parodies d’émissions (« Léa mate la TV », « La fête à la cafèt’ »…). Aux USA, l’excellente Jenna Marbles compte près de 11 millions d’abonnés sur sa chaîne YouTube, grâce à ses vidéos principalement axées sur les rapports hommes/femmes. Et leurs consœurs Daily Grace et Miranda Sings (dans d’autres registres) ont également réussi à se faire un pseudonyme grâce à leur côté taré totalement assumé. On adore !

Monétarisation

D’abord considéré comme un délire de potes qui voulaient dépasser les frontières de la région Ile-de-France, l’humour digital devient une nouvelle source de revenus, et un nouvel argument marketing que les agences de pub se sont empressées d’utiliser pour viser le public adolescent. Même Dave s’y est mis pour faire la promotion de son dernier album… (C’est même plutôt bien fait.)

Bref, si vous êtes bilingue (on en revient toujours à eux), n’hésitez pas à (re)découvrir les talents qui peuplent la petite planète YouTube, comme le suédois totalement allumé PewDiePie (actuel n°1 de YouTube avec plus de 14 millions de fans) et les américains Ray William Johnson et Smosh (non non, rien à voir avec ton forfait de téléphone), qui frôlent à eux deux les 23 millions d’abonnés à la chaîne d’hébergement vidéo.

Cette dernière a senti l’opportunité qui se présentait à elle : celle de (faire) gagner de l’argent grâce à un système de partenariat bien choisi. Désormais, quiconque poste ses vidéos sur la chaîne peut demander à YouTube de participer à ce programme lancé en 2008. En fonction de la durée des vidéos et de la période de visionnage, les sommes partagées entre les annonceurs et les humoristes 2.0 peuvent varier de 1 à 45 dollars la « vue ». Faites le calcul, ça vaut le coup de copiner avec Norman (et épargnez-moi vos regards moralisateurs, de toute façon je ne vous vois pas).

Grâce à YouTube, ses stars du Web sont devenues… millionnaires. La génération digitale a encore de beaux jours devant elle…

Et si toi aussi, à défaut d’avoir une caméra dans ta chambre et un humour désopilant, tu veux faire connaître de nouveaux YouTubers, n’hésite pas à nous écrire sur Facebook !

Claire Faugeroux.

Les vidéos à ne pas manquer :

My twerking addiction – Smosh

Le festival de Cannes – Léa Encore Junior

La crise des 25 ans – Norman

What Girls Do In The Bathroom In The Morning – Jenna Marbles

How to smile! – PewDiePie

La série “=3” (Equals Three) – Ray William Johnson

One Direction – Daily Grace

Starships Music Video – Miranda Sings

C’était mieux avant – Cyprien

La génération Y – Hugo Tout Seul

Written by Claire Faugeroux

"Y" dans l'âme, fermement décidée à prouver que sa génération a construit sa propre culture, nez collé aux écrans... ou pas !