Jeudi 18 septembre sortira l’ouvrage Whisky Sour de Renaud Faroux, aux éditions Books Factory. Historien d’art, journaliste, commissaire d’exposition et réalisateur de documentaires à Paris, spécialiste de la Figuration Narrative, ce grand passionné de littérature américaine est parti s’installer à Los Angeles en 2001. C’est depuis ce pays aux mille visages qu’est né le projet Whisky Sour, une épopée beatnick moderne entre une Californie brulante et une Louisiane tout juste dévastée par l’Ouragan Katrina.

 

La Revue Y : Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? 

Renaud Faroux : À mon arrivée à Los Angeles, j’écrivais des articles pour différents magazines français spécialisés dans les arts plastiques, le graphisme et la culture : L’Oeil, Etapes, Rolling Stone, Art-Absolument… Les Editions Autrement m’ont alors commandé une étude sur « Los Angeles : en mouvement » qui consistait à faire le portrait des acteurs sociaux et culturels actifs dans la ville… Mon sujet d’étude est devenu la ville en elle-même : histoire, urbanisme, culture, création, éducation… Durant mes recherches, j’ai rencontré des personnes hors norme dont la poétesse Wanda Coleman, la « L.A. Blues Woman » qui m’a véritablement fasciné.  J’ai alors décidé de réaliser un documentaire sur elle avec mon ami américain le réalisateur Peter Alton. On a d’abord filmé Wanda à L.A. puis à Berlin au Festival de Littérature, à Paris au Centre Pompidou lors de l’exposition sur la Cité des Anges, et à Lille, invités par la Maison Folie de Moulin… On a fini ce documentaire à Oxford, Mississippi, dans la maison de William Faulkner.

C’était juste  avant l’élection d’Obama. À l’époque encore, travailler sur une artiste noire, poète, féministe et engagée n’était pas très vendeur pour les institutions, chaînes de télés, boîtes de productions. On me répétait souvent : « Vous parlez de l’Autre Amérique »… celle dont finalement personne ne parle, celle de la création underground, celle des 50 millions de pauvres, celle des femmes qui ne font pas la une des magazine en jeans moulants…

Stéphane Carricondo

© Stéphane Carricondo

Y : Et c’est de là qu’est parti le projet ?

R.F. : En effet. « Whisky Sour » est né lors de notre dernier tournage avec Wanda Coleman à Oxford, Mississippi. Après avoir déjà fait un bon tour d’Europe (Paris / Berlin / Lille), mon cadreur a décidé que nous irions en voiture et non pas en avion jusqu’à l’Université d’Ole Miss pour filmer le symposium consacré aux femmes dans le blues où notre artiste était invitée. Nous avons décidé de descendre ensuite à New Orleans et son fameux carnaval. C’était juste six mois après l’ouragan Katrina. Ce tournage qui aurait du prendre 2 jours est devenu un voyage de 15 jours, 10.000 kilomètres et plus de 10 états traversés… Comme je l’écris dans le livre :

« Nous avons mis des kilomètres au compteur de la voiture qui a tenu le coup, malgré quelques problèmes. Nous avons survécu à tout, aux sons du Blues et de la Country, à la tempête, aux avances sexuelles de vieux beaux, aux propositions aguichantes des allumeuses du Coyote Hugly, aux rencontres de bandes de paumés, ces gars qui « craignent » et proposent tout ce qui ne se vend pas, à la folie du mardi gras, aux dealers du ghetto, au roller derby aussi bien qu’au collage de Rauschenberg ! Impliqués dans ce trip intellectuel, physique et sentimental, rien ne nous a arrêtés, tout a su nous séduire, les trésors de la culture autant que ceux de la nature. Ce raid automobile a laissé infuser en nous l’âme du continent américain et la spiritualité propre à la Louisiane. Comme dans un fondu enchaîné de cinéma nous avons roulé graduellement vers le blues… »

Le déclic qui a donné vit à l’écriture du roman a été ma passion pour la poétesse Wanda Coleman et le choc reçu à New Orleans ravagé par Katrina.

Clément Laurentin

© Clément Laurentin

Y : Pourquoi l’avez-vous intitulé « Whisky Sour » ?

R.F. : Le titre du livre « Whisky Sour » renvoie à plusieurs histoires littéraires et personnelles… Dans le roman « Sanctuaire » de William Faulkner un des personnages se saoule outrageusement avec ce cocktail fait de bourbon, sucre, citron et eau gazeuse… C’est aussi une boisson qui me rappelle de belles soirées au Harry’s Bar de Venise avec ma sœur quand nous vivions la Dolce Vita… Mais surtout c’est un cocktail qui symbolise le Sud américain. Aussi, le mot « sour » signifie amer, aigre, acide et il est presque impossible de bien le prononcer pour un français. Le livre s’intitule donc « Whisky acide » et se prononce en français « Whisky sourd »…

Y : Une petite anecdote marquante à nous raconter ?

R.F. : Je n’ai pas une anecdote particulière à vous raconter car mon livre est une succession d’anecdotes, d’histoires à dormir debout, de références musicales, artistiques, littéraires, de rencontres inédites… Le narrateur est une sorte de « araf koulou », en arabe, un « je sais tout » qui se dit des ignorants prétentieux… Le  meilleur souvenir de Pete, l’autre personnage principal du roman est sans conteste la folie outrancière du Mardi-Gras à New Orleans…

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© Ned Nedelec

Y : Comment s’est déroulée / organisée votre collaboration avec les artistes qui ont illustré l’ouvrage ?

R.F. : Initialement la couverture du livre devait être une œuvre du peintre Gérard Schlosser. Mais j’avais toujours en tête mes vieux romans d’enfance illustrés comme « L’île au trésor ». J’ai alors demandé au Collectif du 9ème Concept de participer au projet. Ils ont tout de suite répondu présents. J’ai ensuite donné des chapitres à chacun pour qu’ils les illustrent : la partie indienne pour Stephane Carricondo ; la route pour Jerk45 ; Memphis et le Blues pour Clément Laurentin et Alexandre D’Alessio, New Orleans et le roller Derby pour Ned Nedellec, la poésie de Wanda Coleman pour le typographe Jean-Jacques Tachdjian. J’ai aussi gardé un dessin de Gérard Schlosser que j’avais choisi à l’origine pour la couverture. La mise en page finale du livre a été faite par le graphiste Jean-Jacques Tachdjian.

Pour résumer, comme le souligne Lara Marlowe, journaliste américaine et grand reporter à l’Irish Times de Dublin : « Cinquante ans après Jack Kerouac, deux copains, un petit Frenchie et un Américain se joue leur road movie. Ils quittent Los Angeles dans un vieux truck Toyota ; destination New Orleans. Renaud Faroux raconte son Amérique – ses motels et ses coffee shops, sa musique et ses filles- avec délectation. Son récit vif et enjoué est un vrai régal… ».

 

Et il serait difficile de ne pas partager le même avis… Whisky Sour nous emmène tout droit dans l’Amérique, la vraie, à la rencontre de personnalités qui la façonnent. Un véritable road book à mi-chemin entre roman et autobiographie, qui se lit avec plaisir tant il regorge de détails et anecdotes surprenantes.  Si vous souhaitez rencontrer Renaud Faroux et les artistes du collectif 9ème Concept, rendez-vous le jeudi 18 septembre à partir de 19h à Mona Lisait (211 rue du Faubourg Saint-Antoine, 75011 Paris) pour la soirée officielle de sortie du livre !

 

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Written by Benoit Gisbert-Mora