Au 1er janvier, nombreux et nombreuses auront été celles et ceux qui, comme chaque année, ont fait la résolution de « se remettre au sport » ou d’ « arrêter les kebabs » et d’essayer de suivre un mode de vie plus sain.

Rien de bien nouveau sous le soleil, direz-vous. Cependant, en réaction à un quotidien urbain, stressant et hyper-connecté, où il arrive souvent à tout un chacun de mal manger et de bouger trop peu, il faut reconnaître que la tendance du « healthy living» gagne du terrain chez la génération Y, et notamment chez les jeunes femmes.

En quoi ça consiste ? En gros, manger plus sainement (plus de fruits et légumes, de céréales complètes et légumineuses, etc.) et s’entretenir physiquement pour se sentir mieux. Cette hygiène de vie saine, largement diffusée dans le monde par les réseaux sociaux, larevuey.com a donc souhaité s’y intéresser : plus qu’une promesse en l’air de début d’année, c’est devenu le quotidien, la philosophie, voire le fonds de commerce de beaucoup de jeunes bloggeuses, YouTubeuses, ou encore exclusivement IGers (« Instagrammeuses »), qui invitent les filles du monde entier à manger « clean » et à faire leur « workout ».
On ne compte plus les Tumblr, chaines YouTube ou comptes Instagram qui sont devenus de vraies mines d’inspiration « healthy » : photos de repas colorés ou de smoothies, jeunes femmes et hommes en tenue de sport qui exhibent leurs muscles saillants, mantra de motivation du style « I don’t diet. I eat clean, that’s a lifestyle » ou « Be active, get sweaty, feel great, repeat. ».
Le moment est venu de s’interroger sur cette tendance : est-elle vraiment «saine » à tous les points de vue ? Cette semaine, on se penche sur le « culte du muscle ».

Des dixaines de mantras de motivation sur Flickr

Des dizaines de mantras de motivation pour nous pousser à nous bouger (capture Flickr)

« Be a warrior, not a worrier »

Peut-être que vous aussi, comme des millions d’utilisateurs d’Instagram, il vous est déjà arrivé de croiser ces spectaculaires images d’« avant/après » montrant un même corps féminin avant et après les transformations extraordinaires d’un programme de fitness. Ces images de métamorphoses, à première vue irréalistes, qui sont légion sur IG, affichent un même corps à « Week 0 » (première semaine) avec des courbes et certaines imperfections, à côté du même à « Week 12 » devenu plus tonique, musclé et sec après le programme.

Et non, de tels montages ne sont pas réservés à ces publicités intrusives qui s’affichent en gros quand on traîne sur internet, dont le but est de nous refiler leur produit miracle. Quoique. En fait, on en trouve des tonnes sur le compte de Kayla Itsines, une coach australienne, mondialement connue, qui a aujourd’hui atteint les 4,3 millions d’abonné(e)s sur IG et qui fait figure d’inspiration pour toutes les jeunes fitgirls. Elle est l’auteure du fameux « Bikini Body Guide » (ou BBG), un guide workout et nutrition de 12 semaines qui produirait ces miracles et grâce auquel sa popularité est devenue celle d’une vraie gouroue du fitness online. Des milliers de jeunes filles ont repéré ces photos, les encourageant à commencer le « BBG » pour atteindre le corps qu’elles souhaitaient.

On trouve le même genre de transformations incroyables sur les comptes des coachs français Sonia Tlev (programme « TBC », presque 700k d’abonnés) ou Alex et PJ (programme « Déesse », plus de 70k d’abonnés). Ces programmes s’adressent aux jeunes femmes qui veulent, non plus « juste » maigrir, mais devenir « fit » : musclées, fortes et toniques. Certes, si ce genre de programmes perpétue le problème de l’obsession de l’apparence avec laquelle toutes les jeunes femmes se battent aujourd’hui, ils deviennent intéressants lorsque les filles se réapproprient la salle de sport. Parce qu’aujourd’hui, elles aussi soulèvent de la fonte, et la musculation n’est plus du tout une discipline exclusivement masculine.

Résumé du compte IG de @kayla_itsines : Selfie adbo, mantra et transformation avant/après

Résumé du compte IG de @kayla_itsines : selfie adbos et biceps, mantras et transformations avant/après

Créer sa communauté, se soutenir, continuer

#nopainnogain #justdoit #workout : via ces hashtags ultrapartagés, les IGers s’enthousiasment pour cette mouvance des corps forts et de l’effort. Les fitgirls qui suivent un de ces programmes ont un planning à suivre chaque semaine, avec cardio (running, vélo, natation, etc.) et renforcement musculaire, ainsi qu’un menu à respecter (dont on aura l’occasion de reparler plus tard). Elles pensent, mangent, boivent et dorment fitness, du salon à la salle de sport, du petit dej’ à leurs sorties entre amis ; ça devient leur quotidien, qu’elles partagent sur leur compte Instagram.

Parce que les réseaux sociaux, que ce soit IG ou d’autres créés exclusivement pour les intéressés du #fitspo (l’inspiration à être fit et healthy) comme PumpUp, sont au cœur de l’univers du fitness.
Pourquoi poster quotidiennement des selfies (ou « belfie » contraction de « butt » et « selfie ») dans le miroir de la salle de sport, dévoilant ses 6 pack naissants ? Des photos de ses baskets avec le nombre de kilomètres parcourus, ou de son brunch appétissant après un entrainement ? Parce que c’est la clé de la motivation.
Comment mieux entretenir sa motivation qu’en quantifiant ses exploits et en les exposant au reste de son petit monde, pour pouvoir observer, au fur et à mesure, l’évolution qui se dessine sur son corps ? Le sur-partage du quotidien des fitgirls n’est, c’est vrai, pas qu’une question de vanité – qui serait propre à la génération Y ou à la société moderne – mais un moyen efficace de faire partie d’une communauté et d’en créer une autour de soi, pour se motiver mutuellement. Eléonore, une jeune IG de Poitiers (de son pseudo @emmgirault), qui compte déjà sur plus de 3000 abonné(e)s, explique :

« Dans ma pratique du sport, Instagram m’aide à rester motivée en essayant par exemple de donner quelques conseils à des personnes qui ont des objectifs et dans lesquels je me suis retrouvée à un moment de ma vie. Et à mon tour je reçois des messages d’encouragement ou de filles qui me posent des questions. C’est un échange : motiver pour être motivée ! »

Conseiller et être conseillée, s’entourer de filles qui partagent la même passion pour cette hygiène de vie toute particulière, est central. Diplômée d’un Master 2 en marketing et communication axé sur la stratégie digitale, Eléonore sait néanmoins gérer son compte comme une experte des réseaux sociaux :

« Mes études m’ont poussé à m’y intéresser de plus en plus et à mettre en place une sorte de « stratégie » dans l’utilisation de mon compte. »

Le compte IG d'Eléonore, où elle documente ses progrès et reçoit des encouragements

Le compte IG d’Eléonore (@emmgirault) où elle documente ses progrès et reçoit des encouragements.

Un corps sain dans un compte sain

Bien plus qu’un idéal de minceur, c’est un idéal de fermeté, d’harmonie avec soi, d’équilibre…et donc de santé qui est visé. Mais via Instagram, la santé devient visible : par des photos de sa diète saine, de ses biceps ou de son quotidien sportif, on donne l’impression que l’on est épanoui physiquement et mentalement, tout comme l’on garde le contrôle de son corps par un planning strict. On n’hésite pas à agir à rebours des jeunes de sa génération – qui fument, détruisent leur foie et font la fête jusqu’au matin – pour aller se coucher se tôt et ne pas ruiner son workout du dimanche matin.

« Depuis que j’ai un « planning » et un certain mode de vie, j’ai perdu beaucoup d’amis. » raconte Eléonore. « Principalement des personnes qui ne comprennent pas que oui, c’est possible de ne pas boire tous les soirs, ou qu’on n’a pas besoin d’avoir 80 ans pour se coucher tôt. »

Un tel changement d’hygiène de vie peut bousculer sa vie sociale, jusqu’à finir par ne fréquenter presque plus que des sportifs :

« J’explique à mes amis que non, je ne fais pas un régime, je manage juste mes repas pour que mes entrainements servent à quelque chose, tout comme j’organise mes déplacements en fonction de mes entrainements. Mais j’avoue, la plupart de mes amis sont des personnes qui font un minimum de sport, et mon copain fait lui aussi beaucoup de musculation donc on arrive à se comprendre ! »

Eléonore considère ses entrainements comme une addiction. Une addiction bien connotée socialement : celle du sport, ou plutôt celle des endorphines, petites hormones libérées par le cerveau lors d’un exercice physique et qui procurent une sensation de bien-être. Reconnues comme réduisant l’anxiété et la dépression, elles sont parfois appelées « la drogue des sportifs ».

« C’est une addiction au bonheur que ça procure, à la fierté. Il y a un mois, c’était la première fois que j’écrivais publiquement que j’étais fière de moi. Et ça, ça faisait au moins 5 ans que ça ne m’était pas arrivé ! Ça a un effet dingue sur mon moral. Mon objectif c’est donc simplement de me sentir bien. Tout va mieux après un entrainement où j’ai bien galéré. »

Le running est le principal exercice de cardio chez les femmes

Le running, le cardio le plus populaire chez les femmes.

Alors cette année, on choisit quoi ? Se remettre au sport, partager l’expérience sur les réseaux sociaux pour retrouver l’estime de soi, et se forger une communauté de followers qui place votre démarche dans la durée ? Ou simplement se remettre au sport pour l’apprécier comme une fin en soi, pour soi, quitte à prendre le risque de perdre le rythme ?

Et n’oubliez pas, Michelle Lewin (la boss des muscles) le dit elle-même : « it’s 80% in what you eat » pour réaliser la transformation. Mais alors pourquoi tous ces influenceurs comme Kayla ne se penchent pas un peu plus sur le sujet de la nutrition, elle qui ne propose qu’un régime – controversé – à 1600 calories par jour ?

À bientôt pour une deuxième partie consacrée à l’alimentation « healthy » !

Written by Emma Derome

Digital native et littéraire, cherche actuellement un avenir sur Tumblr (dans le domaine des photos de chats)